La remise en question du statut des enseignants dans les écoles d'art nationales fait craindre une relégation aux écoles territoriales.
- Corinne Rondeau Maître de conférences en esthétique et sciences de l’art à l’Université de Nîmes et critique d'art
- Anaël Pigeat Editor-at-large du mensuel The Art Newspaper édition française, critique d’art et journaliste à Paris Match, productrice de documentaires sur France-Culture, ancienne critique à La Dispute sur France Culture
J’avais déjà évoqué ce sujet à la rentrée il y a quelques mois, c’est un sujet assez technique mais qui a des implications très importantes dans ce qu’est aujourd’hui l’enseignement de l’art en France, et qui en dit long sur la manière dont la politique culturelle jongle entre les différents échelles, nationale, locale, dans notre pays. Alors je vous fais un petit résumé des épisodes précédents, j’en réfère pour cela à un article très pédagogique paru dans Le Journal des Arts daté de la semaine du 20 janvier. Depuis 2002 les écoles d’art sont divisées en deux statuts, les Ecoles Nationales Supérieures d’Art, qui sont des Etablissements Publics Administratifs et donc en tant que tels relèvent du Ministère de la Culture (ça concerne les Beaux-Arts de Paris, les Arts déco, Cergy, la Villa Arson à Nice, bourges, Dijon, Limoges, Nancy et Arles), et d’autre part, les 34 écoles d’art territoriales, qui sont des Etablissements Publics de Coopération Culturelle qui dépendent eux des collectivités locales. Les noms n’ont pas grande importance, derrière ces sigles un peu abstraits se cache une profonde différence de traitement. Si les Ecoles Nationales bénéficient d’un soutien financier stable garanti par leur Ministère de tutelle, les Ecoles Régionales elles se retrouvent prises dans les vicissitudes des différentes politiques municipales qui n’ont pas toutes les mêmes priorités. En septembre dernier j’évoquais le cas de Perpignan par exemple, dont l’école d’art a dû fermer après que la Mairie a diminué considérablement ses financements, mais elle n’est pas la seule, plusieurs établissements sont dans la tourmente, comme Angoulême ou Tourcoing. Le fossé se creuse donc entre les écoles nationales et les écoles régionales, alors même qu’ils délivrent sur le papier les mêmes diplômes. Cette rupture est d’autant plus violente que ces dernières semaines, elle concerne aussi le régime des enseignants. Le 14 décembre dernier à l’occasion d’une réunion de toutes les écoles supérieures d’art, le ministère a annoncé une revalorisation du statut des enseignants des écoles nationales. Tout le monde au sein du corps enseignant est d’accord pour dire que cette revalorisation qui est statutaire mais aussi salariale, et qui en gros va aligner leur statut sur celui des professeurs d’université est légitime, seulement elle ne concerne pour le moment que les enseignants des écoles nationales, et les enseignants des écoles territoriales se sentent trahis: lâchés d’une part par le Ministère qui entérine une différence dont ils souffrent depuis des années, et lâchés par leurs collègues des écoles nationales, accusés de les avoir trahis, en gros en ne négociant que pour leur pomme. Ce qu’ils craignent aujourd’hui c’est que la différence entre leurs salaires et leurs statuts deviennent telle qu’elle ne sera jamais rattrapée, ou alors qu’un rattrapage forcé accélère leur disparition. Le Ministère promet pourtant que ce sera une seconde étape. Du côté de l’ANdeA qui est l’association nationale des écoles supérieures d’art, on dénonce un désengagement du Ministère de la Culture, qui se crispe sur ses écoles entre guillemets, et ne veut pas intervenir dans les conflits locaux entre collectivités et petites écoles.
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