La plupart des compagnies historiques sont nées dans les années 80. Comment ont évolué leurs pratiques?
- René Solis Journaliste à délibéré.fr
- Anna Sigalevitch Journaliste et auteure
La plupart des compagnies qui ont fondé le théâtre de rue en France ont trente ans, l’occasion de se pencher sur leur histoire et de se demander peut-être ce que ce modèle très particulier, qui a des spécificités à la fois esthétiques, idéologiques, et économiques dit du théâtre français. C’est une pratique qui est un îlot dans le spectacle vivant en France, où on aime bien cloisonner, et force est de constater que le public du théâtre de rue, de ses festivals n’est pas le même que celui des théâtres publics et du In avignonnais. Pourtant quand le théâtre de rue naît dans les années 80, c’est avec des références qui sont aussi des références revendiquées par de très nombreux artistes installés, le collectif américain du Living Theatre, ou encore le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Un théâtre qui se revendique libre, pauvre, égalitaire, un théâtre partout et pour tous, de fait on tombe souvent sur le théâtre de rue, ce qui bouleverse totalement le rapport au spectacle. Je cite quelques épisodes marquants, en 1986 par exemple, le PHUN investit le quartier de Saint Germain des Prés, dans le 6e arrondissement de Paris, et en une nuit, déverse des tonnes de terre sur les trottoirs, plante des légumes, monte des bottes de foin, dépose des salades sur les Abribus, organise un ballet incessant de brouettes qui perturbe le trafic sur les boulevards; c’est une performance qui a été ensuite reprise, refaite dans plusieurs endroits, et dernièrement en 2014 en Angleterre.
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Autre exemple en 1990, le collectif Ilotopie s’empare d’un immeuble de la cité ultra-défavorisée de la Castellane à Marseille, et le transforme en un hôtel de luxe, avec dorures et grooms à l’entrée. Le spectacle s’appelle PLM, Palace à Loyer Modéré, c’est une des grandes gloires du théâtre de rue, qui s’apparente en fait de théâtre davantage à du happening ou à de l’installation.
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Comment vivent ces compagnies, qui existent toujours? Il y a eu une forme d’institutionnalisation depuis les années 80, la création de festivals d’abord qui font largement vivre auprès du public ces créations collectives, c’est le cas des festivals d’Aurillac, de Chalon-sur-Saône ou encore de Sotteville-les-Rouens, il y a une Fédération Nationale des Arts de la Rue créée en 1997, et puis un label, “Centre national des arts de la rue”; de fait il n’étiquette qu’une petite quinzaine de compagnies, qui reçoivent à elles toutes moins qu’un seul Centre dramatique national. La réforme du régime des intermittents de 2003 a sonné le glas des structures les plus fragiles, et toute menace sur ce statut donne des sueurs froides même aux compagnies les plus installées. Autre menace, celle qui pèse en général sur l’espace public urbain: la menace terroriste et son corollaire policier, l’état d’urgence. Cet été à Aurillac, alors qu’on célébrait le trentième anniversaire du festival, des échauffourées ont éclaté entre la police et certains spectateurs qui refusaient de laisser contrôler leurs sacs, il est vrai que toute idée de contrôle va à l’encontre du principe même du théâtre de rue. Je pose la question: est-ce qu’on pourrait imaginer qu’aujourd’hui en 2017 comme il y a trente ans, une compagnie investisse Saint Germain des Prés, provoquant embouteillages et attroupements incontrôlés?
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