Le groupe de rap des Tarterêts sort demain un troisième album dont on parle partout: mais pourquoi tout le monde aime PNL?
- Olivier Lamm Journaliste et critique à Libération
- Hugo Cassavetti Journaliste musical spécialisé dans le rock
J’ai découvert PNL il y a peu. En fait j’ai écouté il y a peu, mais j’en avais entendu parler il y a longtemps déjà, des amis, notamment qui ont participé au mouvement "Nuit Debout" et aux manifestations contre la loi Travail citaient de temps en temps ce groupe de rap. PNL pour "peace and lovés", un duo originaire des Tarterêts dans l’Essonne. J’imaginais donc des paroles engagées politiquement, un peu élaborées, comme celles de “La Rumeur” par exemple.
Il y a quelques jours je cherche un morceau sur mon ordinateur, et j’écoute un peu machinalement en faisant autre chose et je ne comprends rien.
Même autotune, mêmes paroles éparpillées et formules toutes faites, ok la musique est pas mal, des nappes un peu électro qui changent. Mais pourquoi tout le monde aime PNL, des quartiers populaires aux cercles bobos? Impossible de réellement trouver dans les morceaux un discours sur quoique ce soit, par ailleurs les textes alignent régulièrement les mêmes i nsultes homophobes et misogynes, qui font tellement partie désormais des codes que certains peut-être ne les entendent plus.
En fait pour percer le mystère du succès de PNL, il faut sans doute se pencher sur la manière dont ils diffusent leurs morceaux, et donc sur la manière dont on les écoute. Comme de très nombreux groupes désormais les deux frères de PNL ont mis en place une stratégie de la rareté digne de Mylène Farmer: pas d’interview, en dehors d’une seule donnée à un magazine américain The Fader, mais dans laquelle ils ne disent quasi rien d’eux ou de leurs motivations, leur troisième album “dans la légende” qui doit paraître demain est introuvable, ici au bureau on a pas réussi à l’avoir. Côté radio, c’est compliqué aussi, le groupe a boycotté leur propre émission “Planète rap”, sur Skyrock. Donc, où et comment écoute-t-on PNL? Via les clips sur le web. “ Le monde ou rien” cumule sur la plateforme "Youtube" plus de 50 millions de vues. En regardant la vidéo on comprend un peu mieux. Filmé à Scampia dans la banlieue de Naples, c’est une vraie performance visuelle, à mille lieux des clips classiques de hip hop, un peu désespéré, un peu grise, un peu étrange.
Leur dernier gros succès s’appelle DA, DA, encore un titre que je n’ai personnellement pas compris, mais le clip est encore d’une grande étrangeté, un groupe de jeunes devant un bloc d’immeubles, il a l’air de faire froid et humide, ils sont regroupés autour d’un singe sur un siège en velours rouge, référence au qualificatif de “zoo” qu’on a donné à ce quartier difficile de Corbeil Essonne.
Finalement quelque chose d’une violence politique ou sociale émerge de l’image, ou peut-être du contraste entre les textes et les images. De même que - coïncidence - leur album sortira un lendemain de manif, PNL ne fait probablement pas exprès mais ils collent à la grisaille ambiante.
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