

A quelques jours des élections américaines, les films qui sortent outre-Atlantique sont pris dans le tourbillon des enjeux et des discours politiques.
- Antoine Guillot Journaliste, critique de cinéma et de bandes dessinées, producteur de l'émission "Plan large" sur France Culture
- Charlotte Garson Rédactrice en chef adjointe des Cahiers du cinéma
- Corinne Rondeau Maître de conférences en esthétique et sciences de l’art à l’Université de Nîmes et critique d'art
Il y a quelques semaines est sorti aux Etats-Unis un film qui a fait grand bruit, moins d’ailleurs pour son contenu ou pour ce qu’on en a pensé que pour le contexte dans lequel il est sorti. Ce film c’est The Birth of a nation, La naissance d’une nation, il porte presque le même titre que le film emblématique de D.W Griffith. C’est un film sur la révolte d’un groupe d’esclaves en 1831, un film réalisé par un réalisateur noir, Nate Parker, avec un casting essentiellement noir. Premier élément de contexte, le film sort au moment où, pour la deuxième année consécutive, on s’insurge sur l’absence criante d’afro-américains aux Oscars, et où le slogan “Black lives matter” - les vies noires comptent, resurgit indéfiniment à mesure que les violences racistes sévissent dans le pays. Deuxième salve médiatique: on révèle que le réalisateur Nate Parker a été accusé de viol pendant ses années d’études à l’université, des accusations dont il a été blanchi depuis mais qui font les choux gras de la presse. Pour être bien sûr que la qualité du film ne sera surtout pas en jeu pendant sa projection, s’ajoute à ces deux éléments contextuels le grand tourbillon des élections américaines. Fin septembre la société de distribution Fox Searchlight et l’équipe du film décident de lancer une campagne d’inscriptions aux registres électoraux dans les salles de cinéma qui projettent The Birth of a nation, afin d’inciter les spectateurs à aller voter aux présidentielles. L’objectif est selon un communiqué de la Fox “d’inciter tout le monde à participer au cours de l’Histoire américaine”, invoquant notamment et ce n’est pas anodin, l’amendement de 1965 à la constitution américaine qui interdit les discriminations raciales dans le vote. L’idée est donc d’inciter la population américaine, et en particulier afro-américaine, qui vote moins, à s’inscrire pour défendre ses droits après avoir regarder un film sur l’esclavage. Alors quelle est la limite dans ce type de contexte, entre le cinéma et le film de propagande?
Une autre affaire pose la question de l’implication des moyens cinématographiques dans la campagne, elle vient d’éclater la semaine dernière à l’occasion de la sortie sur Netflix de 13th d’Ava DuVernay. Ava DuVernay avait réalisé il y a quelques années un film sur Martin Luther King, son nouveau film est un documentaire sur l’emprisonnement massif des noir-américains aux Etats-Unis depuis l’abolition de l’esclavage. Le 13 octobre dernier, l’équipe du camp démocrate a twitté un montage d’extraits de son film, montrant Donald Trump regrettant le bon vieux temps et des images de brutalité policière pendant des manifestations noires dans les années soixante. Aussitôt Ava DuVernay s’est insurgée contre cette utilisation, et a dit “mon film n’est pas un film de propagande pour le camp démocrate”. Pas facile de sortir un documentaire sur la question noire fin octobre, surtout quand on inclut dans la bande-annonce plusieurs images des deux candidats à la Maison Blanche…
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