

Il y a quelques jours le cinéaste Jia Zhang-Ke a annoncé la création d'un réseau de salles qui diffuseront en Chine des films dits d'"art et d'essai".
- Antoine Guillot Journaliste, critique de cinéma et de bandes dessinées, producteur de l'émission "Plan large" sur France Culture
- Julien Gester Chef du service culture de Libération
- Corinne Rondeau Maître de conférences en esthétique et sciences de l’art à l’Université de Nîmes et critique d'art
La semaine dernière, le critique et journaliste Jean-Michel Frodon signe sur le site Slate un article intitulé “Voici l’un des événements les plus importants dans l’histoire du cinéma mondial au XXIe siècle”. Alors il ne parle pas de la bande-annonce du prochain film de Luc Besson, mais de je cite “une révolution dans les cinémas chinois”. Le réalisateur Jian Zhang-ke a en effet annoncé il y a quelques jours l’ouverture d’un réseau de cent salles estampillées “art et essai” en Chine. Il avait déjà lui-même ouvert quatre salles de ce type ces dernières années, dont deux en association avec le groupe français MK2, cette fois-ci il s’agit de l’acte de naissance de la National Arthouse Film Alliance, qui réunit plusieurs distributeurs autour de la China Film Archive, qui devrait être une sorte de Cinémathèque. Alors dans quelle mesure est-ce une révolution? Le cinéma en Chine est en plein essor, autant la production que l’offre, en moyenne, 10 nouvelles salles ouvrent tous les jours depuis sept ans. Mais jusqu’à maintenant ces cinémas sont d’énormes machines qui diffusent de gros blockbusters, dont une écrasante majorité de films chinois. La diffusion cinématographique est extrêmement encadrée en Chine, et avant tout patriote, puisque pour l’instant seuls 34 films étrangers sont autorisés à l’importation, de grosses productions hollywoodiennes pour la plupart. Cette année par exemple seuls trois films français sont sortis en Chine. Jean-Michel Frodon est donc extrêmement enthousiaste à l’idée de voir fleurir pareilles salles, et y voit la “possibilité - je cite - d’un rééquilibrage entre une politique purement commerciale à très court terme et à coups de milliards, entièrement fondée sur la relation de fascination et de rivalité avec Hollywood, et une politique culturelle”. Pour autant si on y regarde de près, on apprend que cette National Arthouse Film Alliance regroupe une demie douzaine de sociétés, dont la société de Jia Zhang-ke mais aussi Wanda Cinema Line, un immense géant de la distribution, un géant qui rachète en ce moment Hollywood à coups de milliards… Par ailleurs il faut bien se rendre compte que ces quelques centaines d’écrans seront une minuscule goutte d’eau parmi les 30 000 écrans dans toute la Chine, c’est donc à ce stade un micro-phénomène. Quant au contenu de ce qui sera projeté, il faut compter avec la censure appliquée par le comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, qui vient de faire passer un décret le 7 novembre dernier relatif à toute production chinoise, ou tout acteur chinois même s’il joue dans un film étranger, un texte qui inscrit dans la loi l’interdiction systématique de contrevenir "à la dignité, à l'honneur et aux intérêts de la Chine, à la stabilité sociale" ou “aux sentiments du peuple chinois".
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