Les jeunes sont-ils devenus paresseux ?

A quoi ressemble demain
A quoi ressemble demain ©Getty - Willie B. Thomas
A quoi ressemble demain ©Getty - Willie B. Thomas
A quoi ressemble demain ©Getty - Willie B. Thomas
Publicité

On ne compte plus les publications qui signalent voire dénoncent l’absence de motivation des jeunes, leur détachement du travail, leur mise en retrait. Les jeunes sont-ils vraiment devenus paresseux ?

La jeune génération serait, si l’on en croit diverses publications médiatiques, désengagés, démotivés, en retrait du monde de l’entreprise et plus généralement du travail. Cette situation s’expliquerait pêle-mêle par le choc de la crise sanitaire, l’addiction au réseaux sociaux, la perte du sens de l’effort : les jeunes seraient donc finalement, plus encore que les autres générations, touchés par une épidémie de flemme.

Une épidémie de flemme chez les jeunes ?

C’est précisément pour mettre cette idée à l’épreuve – déjà en vogue au début des années 2000 – que, sous la responsabilité de Patricia Vendramin, un programme de recherches sur le rapport des Européens au travail avait été engagé. Au terme de cette recherche plusieurs éléments apparaissaient clairement. D’abord, le fait que toutes les époques ont été le théâtre d’une telle condamnation de la jeune génération : en 1974, Jean Rousselet publiait L’allergie au travail et, en 1975, paraissait un Cahier du Centre d’études de l’emploi intitulé Les jeunes et l’emploi qui présentait les résultats d’une vaste enquête sur le rapport des jeunes au travail. Non seulement aucune dévalorisation du travail n’était constatée mais l’enquête mettait en cause l’idée même qu’il existerait une mentalité spécifique, "une idéologie jeune homogène s’opposant en tout ou partie à celle des adultes." Au contraire, les auteurs mettaient en évidence les profondes différences en vigueur au sein de la catégorie jeune.

Publicité

Une catégorie jeunes fortement fragmentée selon la trajectoire scolaire et professionnelle

Dans notre enquête menée en 2007 auprès des jeunes européens, en particulier auprès des jeunes français, nous étions parvenus aux mêmes conclusions : contrairement à tous les propos entendus ad nauseam, les jeunes apparaissaient bien plus attachés au travail que les autres générations. Les jeunes Français arboraient le même tiercé que les autres générations concernant le travail : bien gagner sa vie, avoir un travail intéressant, travailler dans une bonne ambiance, mais leurs attentes étaient plus intenses que celles des plus âgés. Ils étaient plus nombreux que les autres générations à accorder de l’importance au travail, à plébisciter les dimensions expressives du travail et à vouloir éviter que le travail n’empiète trop sur le reste de leur vie. A l’époque, les jeunes apparaissaient plus concernés que les autres générations par le sens du travail et l’utilité de celui-ci pour la société. En revanche, la catégorie jeunes était fortement fragmentée selon la trajectoire scolaire et professionnelle.

Le travail, source de développement personnel, de construction identitaire, de bien-être

C’est ce que confirment les travaux récents publiés par l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire (INJEP) à partir de l’exploitation de l’enquête "Génération" réalisée par le Cereq en 2016 : les jeunes restent fortement attachés au travail mais souhaitent que celui-ci constitue une source de développement personnel, de construction identitaire et plus généralement de bien-être. Ils sont particulièrement attachés à l’équilibre entre vies professionnelle et personnelle. L’attention qu’ils portent à la sécurité de l’emploi s’explique par le caractère de plus en plus difficile, pour certains, de leur insertion dans la vie active où les stages, les CDD et les périodes de chômage se succèdent.

(...)

La chronique est à écouter dans son intégralité en cliquant sur le haut de la page. Histoire, économie, sciences, philosophie, histoire de l'art… Écoutez et abonnez-vous à la collection de podcasts "Le Pourquoi du comment" ; les meilleurs experts répondent à toutes les questions que vous n'osez poser.