La comptabilité est politique, elle dit littéralement ce qui compte. Il est donc normal et sain qu’elle fasse l’objet de recherche et de débats éclairants.
Les normes comptables d’entreprise ont été largement modifiées dans les années 2000, et elles n’ont laissé indemnes ni l’économie ni le capitalisme. Ces normes "internationales d’information financière" ou IFRS ont été édictées par des cabinets internationaux d’audit qui ont réussi à imposer leur vision privée au niveau mondial, s’autosaisissant d’un objet politique. Les normes IFRS, qui se sont rapidement imposées à toutes les entreprises du marché européen, ont en particulier introduit la notion de fair value ou de juste valeur des actifs, faisant passer la valeur d’un actif enregistré au moment de son achat, comme c’était l’usage (on parle de valeur historique), à la valeur de marché. C’est un changement considérable et une évolution profondément politique qui s’est joué là. Pourquoi ?
La valeur du marché des actifs n’a pas de substance en soi, elle dépend de facteurs multiples
Pour les grandes entreprises financiarisées en particulier cette valeur de marché est tributaire des spéculations, mais aussi des pratiques stratégiques de rachat d’actions qui viennent gonfler artificiellement les actifs des bilans des entreprises tout en nuisant à sa dynamique. La fiction du capital écrase littéralement la valeur réelle. Et l’intelligence collective, le savoir-faire accumulé, et, in fine, l’apport des salariés se trouvent ainsi niés dans ces normes.
Les choses bougent un peu, au moins du côté de la responsabilité écologique des entreprises. Dans le cadre de sa dynamique de Green new deal européen, qui vise à rendre l’économie européenne neutre en émission carbone d’ici 2050, la commission européenne a lancé en avril 2022 un projet de directive européenne sur le reporting de durabilité, dit "ESG" pour environnement, social et gouvernance. L’idée qui préside aux textes de l’ESG est de rendre les entreprises plus vertueuses en guidant (et en incitant) les investisseurs vers des investissements plus durables. Notons bien que l’idée n’est pas tant ici de rendre les entreprises vertueuses par un supplément d’éthique dont elles se pareraient spontanément., mais plutôt de leur laisser entrevoir une amélioration de leur rentabilité future, parce qu’elles éviteraient de contribuer aux turbulences qu’engendrera, inévitablement, l’insoutenabilité du mode de production actuel (...).
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