L’activité domestique produit-elle des richesses ?

Jeune femme passant l'aspirateur avec son fils dans les bras
Jeune femme passant l'aspirateur avec son fils dans les bras ©Getty - Johner Images
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Les activités domestiques réalisées au sein de la sphère familiale sont largement invisibles du point de vue des comptes nationaux. Quant aux conventions qui président ces choix comptables, elles sont discutables

L’activité domestique désigne l’ensemble des tâches réalisées à l’intérieur de la sphère familiale, pour soi et sa famille, et ne donnant pas lieu à une rémunération monétaire. Elle comprend notamment le soin aux enfants, le nettoyage de la maison, la préparation des repas, le petit bricolage réalisé pour soi etc. La question " Est-ce que cet ensemble constitue une production de richesses ? " semble simple. Elle reçoit pourtant une réponse très différenciée selon la discipline et la théorie. 

Pour la plupart des sociologues, l’activité domestique est un travail dès lors qu’elle est une tâche réalisée pour autrui, quelle qu’en soit l’organisation sociale

Certains sociologues considèrent même que l’activité domestique peut être analysée comme une forme d’exploitation, du fait de l’inégale répartition de ces tâches entre les deux sexes et de la persistante domination masculine. Du côté de l’économie dominante, une activité apparait comme un travail donnant lieu à production de richesses dès lors qu’elle est rémunérée. Elle est, de ce fait, considérée comme productive, parce qu’elle génère une valeur économique. Dans l’histoire de la pensée économique, Karl Marx et Adam Smith - que presque tout opposait - convergeaient néanmoins sur l’idée que le travail domestique, même s’il était rémunéré, ne produisait pas de valeur économique, parce que contrairement à la production industrielle, il ne se cristallisait pas dans du capital pour l’un, et que son résultat était évanescent pour l’autre. Il pouvait avoir un certain degré d’utilité, mais pas de valeur économique.

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Après la Deuxième Guerre mondiale, les comptes nationaux ont pris la main sur les définitions et a été considérée comme « productive », toute activité participant au produit intérieur brut, au PIB. Dans cette perspective comptable biaisée, les activités domestiques réalisées pour soi, donc non rémunérées, n’ont évidemment pas été intégrées au PIB. Elles sont toujours considérées comme improductives, sauf quelques-unes, quantitativement marginales, mais qui en disent long sur l’état des conventions : en effet les activités du petit bricolage et du potager, même réalisées pour soi, sont considérées comme du travail productif au sens du PIB. 

La production de légumes ou de pots de confiture au sein du ménage est productive du point de vue des comptes nationaux et des économistes, tandis que les soins aux enfants ou aux personnes fragiles réalisés au cœur de la sphère familiale ne le sont pas

Les économistes invoquent une raison sociotechnique : dans le cas de la production de pots de confiture, l’activité est dite « potentiellement échangeable », car en effet ces pots peuvent éventuellement être vendus sur un marché, même si dans les faits ils ne le sont pas. En creux, cela signifie que le soin aux enfants n’est pas échangeable… Certes, au moment de la mise en place des comptes nationaux, c’était généralement le cas, les mères étant supposées s’occuper elles-mêmes des enfants, des repas, du ménage... Mais cette raison est largement insuffisante aujourd’hui quand on voit à quel point s’est développé, par exemple, le marché des services à la personne.

Cette explication technique est donc insuffisante et il faut y ajouter une explication plus politique pour comprendre ces choix : l’activité domestique continue d’être considérée comme improductive, parce qu’elle est, pour l’essentiel, réalisée par les femmes, invisibilisée, non reconnue, et qu’elle ne participe pas à ce que le socio-économiste François Fourquet a appelé « les Comptes de la puissance » pour désigner la comptabilité nationale. Le PIB est donc un indicateur très limité pour évaluer ce qui compte le plus (...).

L'émission est à écouter dans son intégralité dès mercredi à 14h55 en cliquant ICI, et sur l'antenne de France-Culture ou sur l'application Radio-France

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