La monnaie hélicoptère est une proposition, dans l’air du temps, de nouvel instrument pour les banques centrales, qui leur serait utile pour retrouver la capacité d’agir sur l’inflation et soutenir l’économie et qui pourtant, ne les séduit pas
Imaginez un instant que vous receviez un SMS signé Christine Lagarde, Présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE), dont le contenu serait : « Installez la nouvelle application " BCE for people " pour ouvrir votre compte de monnaie numérique de banque centrale, où vous seront versés 200 euros chaque mois pendant un an ». Ce serait une opération de monnaie hélicoptère ! Le message préciserait que la Banque centrale a pour mission primordiale de veiller à la stabilité des prix et de votre pouvoir d’achat, de maintenir la confiance dans la monnaie, de soutenir l’économie quand elle en a besoin, de veiller au bon fonctionnement du secteur bancaire et financier, et que cette opération répond bien à ses missions. Ce n’est encore qu'un projet, mais il est sûr que pour certains économistes, cet instrument rendrait l’action de la banque centrale plus efficace qu’aujourd’hui.
Quel serait l’impact de la monnaie hélicoptère sur l’économie réelle ?
Pour tous les bénéficiaires - les 288 millions de citoyens de 15 ans et plus de la zone euro - ce serait aussitôt une capacité de dépense supplémentaire. De quoi augmenter instantanément la dépense globale. À supposer qu’en moyenne ne serait-ce que 50% de la somme reçue soit dépensé (les 10 % les plus riches en dépenseront sans doute moins, mais les 90% restant assurément plus), la cascade de revenus en résultant ferait à peu près doubler la dépense initiale. Donc, en versant quelques 60 milliards par mois, la BCE ferait augmenter d’autant la dépense globale. Un résultat bien supérieur à ce qu’elle obtient aujourd’hui, quand elle prête aux banques et achète des titres sur les marchés de la dette. Et comme la masse de dépenses effectuées le serait dans l’économie réelle, cela ferait remonter l’inflation, ce qui serait non pas un problème mais une solution dans les situations d’insuffisance de demande et de déflation latente où serait utilisée la monnaie hélicoptère. Une fois la cible d’inflation atteinte, les versements cesseraient. La Banque centrale retrouverait la capacité de piloter l’inflation, ce qu’elle n’a plus du tout avec ses opérations actuelles. Légalement, rien n’interdit une telle opération, si elle concerne les ménages, voire les entreprises, et non les États. Mais alors pourquoi les banques centrales se refusent-elles d’y penser pour le moment, alors même que leurs projets de monnaie numérique de détail, une fois aboutis, rendraient tout à fait possible l’opération ? (…)
Une banque centrale n'est ni une entreprise ni une banque commerciale. Ses engagements sont en monnaie centrale, qu’elle est en capacité de créer autant que de besoin, tant que demeure la confiance dans son action, ce qui tient surtout à sa communication. Rien n’empêcherait de trouver une solution comptable, comme un actif non exigible pour équilibrer l’opération et ne pas enregistrer la perte. (…)
La monnaie hélicoptère obligerait à reconnaître que l’économie pourrait profiter bien davantage qu’aujourd’hui de l’action des banques centrales
Il est probable aussi que ce nouvel instrument révèle l’étendue du pouvoir monétaire de ces institutions non élues. Un pouvoir qu’il est pourtant urgent de mettre au service de la société tout entière.
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