Les politiques " activation des dépenses passives " prennent leur essor à la fin des années 1980. Elles conditionnent les allocations chômage à un comportement vertueux des chômeurs, tout cela au prix d’hypothèses discutables sur les raisons du chômage…
"Activer les dépenses passives " est une expression qui mériterait quelques éclaircissements. Les dépenses passives regroupent les dépenses publiques d’indemnisation du chômage et celles liées aux versements de minima sociaux (par exemple, le minimum vieillesse et, plus généralement, toutes les allocations qui sont versées aux personnes les plus démunies). Ces dépenses sont qualifiées de "passives", parce qu’elles s’adressent précisément à des personnes qui ne sont pas "actives" sur le marché du travail.
" Activer ces dépenses passives désigne des politiques publiques qui entendent inciter les chômeurs à reprendre un emploi ou, tout au moins, à être actifs dans leur recherche "
Le principe est de sortir les personnes " coûte que coûte " de ce qui est appelé des " trappes à inactivité ". Le choix des mots et les politiques qui les incarnent sont lourds de sens. " Activer les dépenses passives " suggère en effet que les bénéficiaires de ces dépenses, les allocataires, auraient donc une préférence a priori pour l’oisiveté voire la passivité. Ce choix est étonnant, car il ignore à la fois l’importance du travail comme vecteur central de la reconnaissance en société, et ne tient pas non plus compte des contraintes réelles des chômeurs dans leur recherche d’emploi - qu’elles concernent la garde d’enfant, les difficultés de mobilité ou encore les problèmes de santé. Il assigne ainsi une immense responsabilité au chômeur dans l’existence même du chômage.
En tout état de cause, cette expression " activer les dépenses passives " n’est pas neuve. Elle émerge dès les années 1980 au zénith de la diffusion de la pensée néoclassique, notamment dans les organisations internationales. (...) Ces politiques conditionnent donc le versement de ces allocations à une obligation de comportement vertueux, la vertu désignant ici la sortie de l’oisiveté supposée. Cela prend la forme de l’obligation d’un suivi de formations ou encore, de l’obligation de rechercher activement un emploi, et de faire la preuve de cette recherche active.
Le déploiement de ces politiques d’activation des dépenses passives s’est fait de manière différenciée dans les pays occidentaux. On trouve une illustration magnifique de cette incitation, et de ses conséquences humaines avec le cas britannique, dans le film de Ken Loach, Moi Daniel Blake. Dans ce film, un artisan menuisier se retrouve au chômage pour des raisons de santé, et se voit contraint de rechercher un emploi, sous peine de sanctions. (...)
L'émission est à écouter dans son intégralité dès jeudi à 14h55 en cliquant ICI, et sur l'antenne de France-Culture ou sur l'application Radio-France
L'équipe
- Production
- Réalisation
- Réalisation
- Collaboration