Comment imaginer l'expérience des autres ?

Il y a un problème qui est au fond lié à la nature même de notre expérience et qui peut paraitre secondaire aux yeux de certains alors qu'il est sans doute au cœur de la morale et de la politique, aujourd'hui, plus que jamais ; un problème qu'Albert Camus définissait comme un problème d'imagination. Il disait que le problème principal des humains, c'est qu'ils n'avaient pas assez d'imagination.

"Le problème principal des humains est qu'ils n'ont pas assez d'imagination"

Mais quel type d'imagination, selon lui ? Une imagination qui nous permettait - souvent, c'est le manque d'imagination qui nous empêche d'accéder à l'expérience d'autrui, à la manière dont autrui vit ce que nous lui faisons parfois subir, la manière dont autrui, vit subit, comprend, agit aussi par lui-même, dans son monde. Nous n'arrivons pas à nous représenter la manière dont autrui est un sujet, dont il vit son expérience. Camus disait par exemple que si le pilote qui lâche une bombe atomique se représentait les effets de sa bombe sur les millions de personnes qui vont en être détruits ou affectés dans leur vies, alors il serait impossible pour lui de la larguer ou alors, il deviendrait littéralement fou. Le grand problème de la philosophie morale et politique, c'est donc de se représenter concrètement l'expérience des autres (...)

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