Comment peut-on être suffisamment bon ?

Nous pensons que le mal est du côté de l'excès et que l'excès est toujours du côté du mal, que la violence a quelque chose d'illimité, d'infiniment destructeur, qu'il faut modérer ce désir de vengeance, de guerre, de cupidité ou d'accumulation. Ce que nous voyons moins souvent et qui semble plus paradoxal, c'est que même le bien peut faire l'objet d'un désir excessif ; dans notre vie, il y a aussi ce désir d'être parfait, le désir d'être parfaitement bon, cette demande infinie d'amour que nous ressentons mais qui, comme elle est peut-être inaccessible, irréalisable, produit en nous de la frustration et de la souffrance.

Peut-être y-at-il du côté du mal comme du côté du bien cette modération qu'il faut accepter comme la condition de la vie humaine - une modération qui n'a rien de plat, limitatif, fade ou mortel mais au contraire, qui serait le comble de l'intensité humaine reconnaissant du côté du bien à la fois ce désir d'infini et la capacité à le modérer pour le rendre réalisable entre nous. Cette idée à été portée au XXe siècle par le grand philosophe, pédiatre, psychiatre et psychanalyste, Donald Winnicott, quand il a expliqué aux parents - mères, mais aussi pères - qu'il ne fallait pas viser la perfection, l'amour et la bonté infinie, mais se contenter d'être suffisamment bon, "a good enough mother", disait-il, car chacun d'entre nous est traversé aussi par du négatif, et si la perfection est peut-être impossible, il est des critères très précis qui nous permettent, et d'abord, entre parents et enfants, d'être suffisamment bon - une bonté modérée qui serait le comble de la justice humaine. (...)

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