Pourquoi les philosophes sont-ils fascinés par Antigone ?

Il est une figure féminine qui hante presque toute l'histoire de la philosophie depuis au moins le début du XIXe siècle, c'est la figure d'Antigone dans la pièce du même nom, de Sophocle. Il y eut tant de lectures que le philosophe anglais, George Steiner a écrit un essai, Les Antigones (1986), pour montrer que chaque philosophe depuis Hegel a son Antigone.

Pourquoi une telle importance de la figure d'Antigone ?

C'est d'abord pour des raisons philosophiques que Hegel a parfaitement résumées et qui sont au cœur de la pièce de Sophocle : c'est l'opposition de la loi divine par-delà la loi de la Cité, et c'est au nom de cette loi divine, immuable qu'Antigone vient s'opposer à Créon qui poursuit la guerre civile, même après la mort des deux frères d'Antigone qui se sont entretués - Créon, qui refuse de rendre à l'un et à l'autre les honneurs dus à tout être humain selon les lois divines. Hegel cherche à dépasser ce conflit marqué par Antigone, se saisit du problème, et d'autres philosophes prendront des positions différentes. Ce sera le cas de Paul Ricoeur, qui dans Soi-même comme un autre, ménage un interlude dans sa construction systématique consacrée à l'irruption du tragique avec Antigone, qui selon lui dépasse la philosophie. N'oublions pas non plus qu'Antigone est une femme, une jeune femme, et qu'elle vient marquer l'oubli du féminin dans la philosophie, prend toutes les figures du féminin ; la fille, la soeur, l'amante. Dans les Dialogues de Platon, la présence des femmes n'est-elle pas toujours minorée ? (...)

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