Que signifie "faire confiance à la science" ?

Avons-nous confiance en la science ?
Avons-nous confiance en la science ? ©Getty - Solskin
Avons-nous confiance en la science ? ©Getty - Solskin
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Pourquoi dans tous les pays d'Europe, la confiance dans la science s'est-elle à peu près maintenue, sauf dans un pays : la France ?

Publiée à la fin 2021, une note pour le Conseil d'analyse économique rédigé par Daniel Cohen et Yann Algan faisait un bilan d'étape en Europe des effets de la crise de la Covid 19 à la fois sur l'économie, la psychologie des populations, mais aussi sur la confiance dans la science. Alors même que nous ne cessons de parler de défiance généralisée, ce rapport montre que la confiance dans la science est au contraire très forte, à hauteur de 90 % ! Ce chiffre doit bien sûr être pris avec des pincettes, parce qu'on ne sait pas très bien s’il signifie qu’on fait confiance à 90 % de ce que disent les scientifiques, ou si c'est 90 % de la population qui fait confiance aux scientifiques… Mais quoi qu’il en soit, c'est une proportion très élevée.

Avez-vous confiance dans la science ?

Il existe quoi qu'il en soit, plusieurs façons de comprendre la question – "Avez-vous confiance dans la science ? ". La première serait : est-ce que vous avez confiance dans la valeur de vérité de ce que disent les scientifiques, dans leurs paroles, et si oui, est-ce que cela vaut pour tous les scientifiques ou seulement quelques-uns qui seraient vos favoris dans le lot de ceux qui s'expriment ? La deuxième façon serait : est-ce que vous avez confiance en la science en tant que démarche de connaissance capable de produire des résultats dits "scientifiques", censés bénéficier d'une objectivité particulière ? Et il y a une troisième façon, qui serait celle-ci : est-ce que vous avez confiance dans la science pour relever les défis qui sont devant nous en matière d'écologie, de climat, d’énergie, de biodiversité, de pollution, etc. Ce qui renvoie, évidemment, à tout à fait autre chose.

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En Europe, une confiance dans la science relativement maintenue, sauf dans un pays : la France

Mais quelle que soit la façon dont on comprend la question, dans tous les pays d'Europe, cette confiance dans la science s'est à peu près maintenue, sauf dans un pays : la France, où elle a perdu 20 points de pourcentage en 18 mois. Ce qui est énorme ! Il faut donc s'interroger sur ce qui pourrait expliquer cette singularité, cette sorte d’"exception culturelle" au sein de l’Europe. Est-ce que c'est la façon de mettre en scène la science et la recherche pendant la pandémie ? Est-ce parce que nous avons trop personnalisé les débats, donnant la parole à des gens qui disaient "moi je pense que", alors qu’un scientifique devrait plutôt dire "nous savons que…, et nous nous demandons si", distinguant ainsi ce que nous savons – la science – de ce que nous savons ne pas savoir – et qui est la raison d’être de la recherche ? Est-ce parce que nous avons pris un malin plaisir à organiser des controverses prématurées ou factices ?

Si ces questions se posent, c’est parce qu’une autre étude ne laisse pas d’inquiéter. Il s’agit d’une enquête réalisée par l’IFOP pour la fondation Reboot et la Fondation Jean Jaurès, qui a été publiée le 12 janvier 2023. Menée auprès d’un échantillon de 2003 personnes représentatif de la population âgée de 11 à 24 ans, elle visait à quantifier "la mésinformation des jeunes et leur rapport à la science et au paranormal à l’heure des réseaux sociaux". En la lisant, parfois éberlué, on se rend compte que TikTok et la République en sont venus à se faire une sacrée concurrence. Plus d’un jeune sur quatre adhère aux thèses créationnistes. Ils sont 16 % à penser que la Terre pourrait bien être plate, 20 % à penser que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune, 49 % à penser que l’astrologie est une science, et une part importante d’entre eux voit dans la popularité d’un influenceur un gage de fiabilité, j’en passe et des pires...

Une trop grande confiance chez les jeunes accordée à ce qui se raconte sur les réseaux sociaux ?

Le constat est celui de la sécession d’une partie importante de la population jeune avec le consensus scientifique. La question qui se pose est de savoir s’il s’agit d’un effet de génération ou d’un effet d’âge. S’il s’agit d’un effet d’âge, il passera avec l’âge. S’il s’agit d’un effet de génération, induit notamment par une trop grande confiance accordée à ce qui se raconte sur les réseaux sociaux, alors cela augure plutôt de l’émergence d’une "société des affects", pour reprendre l’expression de Pierre Rosanvallon : tout en proclamant aimer la vérité, nous nous contenterons de déclarer vraies les idées que nous aimons.

La chronique est à écouter dans son intégralité en cliquant sur le haut de la page. Histoire, économie, sciences, philosophie, histoire de l'art… Écoutez et abonnez-vous à la collection de podcasts "Le Pourquoi du comment" ; les meilleurs experts répondent à toutes les questions que vous n'osez poser.