

Professeur, commissaire d'exposition, éditeur, théoricien, Thierry Groensteen est l'un des plus grands spécialistes et historiens de la bande dessinée. Rencontre avec un passeur d'un art qui échappe à toute définition.
- Thierry Groensteen Historien et théoricien de la bande dessinée
A quelques jours de l'annonce des lauréats de la 48ème édition du Festival International de la bande dessinée d'Angoulême, Le Rayon BD tente de faire un état des lieux des connaissances et réflexions actuelles sur la bande dessinée, en compagnie du théoricien Thierry Groensteen, qui publie sous sa direction une somme de 850 pages, réunissant une cinquantaine de contributeurs, pour Le Bouquin de la bande dessinée, édité chez Robert Laffont en partenariat avec La Cité Internationale de la bande dessinée et de l'image. En attendant de pouvoir se plonger dans les mémoires de Thierry Groensteen intitulées Une vie dans les cases, à paraître en avril 2021 aux éditions PLG, Le Rayon BD s'entretient avec l'éditeur et historien à propos de cet ouvrage indispensable pour penser et définir la bande dessinée d'hier à aujourd'hui.
C'est un dictionnaire des notions, et par là se différencie considérablement de tous les dictionnaires qui ont pu paraître à ce jour. Le véritable titre du livre aurait du être dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée. Pourquoi ce dictionnaire des notions ? Je me suis aperçu qu'un certain nombre de sujets relatifs à la bande dessinée, sur lesquels que je n'avais eu l'opportunité d'écrire, que dans mes activités d'enseignant, on me demandait de clarifier ou de définir un certain nombre de termes pour lesquels il n'était pas facile de trouver les explications souhaitées. Et je me suis dit que ce livre rendrait un certain nombre de services et que c'était l'occasion pour moi de mettre au clair ma pensée sur toute une série de sujets.
Thierry GroensteenPublicité

Ce livre théorique et essentiel représente 3 millions de signes, 8 ans de travail, et près de 150 entrées comme bulle, gag, encrage, punk, poésie, abstraction, western, écologie ou encore physiognomonie !
La physiognomonie, qui remonte à Rodolphe Töpffer, ce dessinateur et auteur genevois, que nous sommes nombreux à considérer comme le père fondateur de la bande dessinée, qui a vécu au cours de la première moitié du 19ème siècle ; et dont le testament artistique avait pour titre "Essai de physiognomonie" et comme ce titre ne l'indiquait pas, il s'agissant en réalité d'une défense et illustration de la bande dessinée. Töpffer avait repris ce terme au Pasteur suisse Lavater qui avait fondé cette pseudo science, selon laquelle ce que nous sommes à l'intérieur se voit à l'extérieur. Töpffer a repris cette notion pour la détourner, parce ce qui l'intéressait, c'était de raisonner sur des visages dessinés. Il a établit ce point qui me semble encore aujourd'hui très important qui est que dans un récit dessiné, l'expressivité des personnages est un élément déterminant et passe par l’éloquence du corps et bien entendu du visage.
Thierry Groeensteen

Qu'est-ce que la justesse en bande dessinée ?
Kant établissait une différence entre les différents types de beauté et il parlait notamment de la beauté qui est subordonnée à une fin, et qui n'a pas de caractère absolu. Et il me semble que dans le cadre de la bande dessinée qui est avant tout un art du récit et un art narratif, et que la question de la beauté n'est pas essentielle mais la justesse lui doit être préférée car le dessin est au service d'un propos ou d'un discours. Et ce qui importe c'est moins de faire du beau dessin, mais un dessin juste, qui exprime très exactement ce qu'il est nécessaire de faire comprendre à tel moment du récit.
Thierry Groensteen
Qu'est-ce que la bande dessinée ?
En Europe, le processus de légitimation de la bande dessinée a été enclenché il y a déjà longtemps. Elle est enseignée ou représentée à l’Université, au Collège de France, à l’Académie des Beaux-Arts, sur France Culture, qui a été un des premiers média à la prendre au sérieux. Mais selon Thierry Groensteen, ce processus n’est pas terminé, parce qu’il manque encore une mémoire collective, et un socle commun de connaissances.
Hommage à Jean Graton, le créateur de Michel Vaillant
Le dessinateur Jean Graton est mort le 21 janvier 2021 à 97 ans. Né à Nantes en 1923, il était parti s’installer en Belgique à 24 ans pour y faire de la bande dessinée. Et c’est en 1957 qu’il créera pour Le Journal de Tintin le personnage de Michel Vaillant, le plus célèbre pilote de la bande dessinée et tout son univers : sa famille, ses amis, ses adversaires, et tout le petit monde de la course automobile, déclinés sur 70 albums, et qui a suscité beaucoup de vocations …
Archives
- Montage d'archives de Jean Graton
- Henri Van Lier, dans Le concert des médias, une série d’émissions qu’il avait produite pour France Culture en 1985
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Réalisation