A Scranton, la ville de Joe Biden, le défi du marasme économique

Supermarché discount à Scranton, ville de naissance de Joe Biden
Supermarché discount à Scranton, ville de naissance de Joe Biden ©Radio France - Claude Guibal/Radio France
Supermarché discount à Scranton, ville de naissance de Joe Biden ©Radio France - Claude Guibal/Radio France
Supermarché discount à Scranton, ville de naissance de Joe Biden ©Radio France - Claude Guibal/Radio France
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Issu d'un milieu populaire, le prochain président américain promet de mettre l'accent sur l'amélioration des conditions de vie des plus précaires, des travailleurs pauvres et de la classe moyenne.

Ce sera - avec la lutte contre l'épidémie - le premier chantier de Joe Biden : relancer l'économie, minée par la pandémie, répondre aux besoins de la classe moyenne, ces millions d'Américains qui se sont détournés des démocrates pour se jeter dans les bras de Donald Trump en 2016, reprochant entre autres à Barack Obama et son vice président Joe Biden d'avoir été les promoteurs d'accords de libre-échanges perçus comme dévastateurs par nombre de cols bleus.  

Le 14 janvier, le président élu a dévoilé la première partie d'un plan de relance colossal, destiné à provoquer un véritable électrochoc économique pour relancer l’économie d’un montant total de 1 900 milliards de dollars (1 563 milliards d’euros), qu’il souhaite faire voter immédiatement.  

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Joe Biden aime à le rappeler: il est "un gars de Scranton", ville où il est né, et qu'il a quitté à 10 ans, quand son père a perdu son emploi. Une ville ouvrière, minière, à la lisière des forêts du nord est de la Pennsylvanie. 

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Rongée par le chômage endémique, la pauvreté galopante, la ville ne s'est jamais remise de la fermeture des usines, dans les années 1970. 

"C'est le problème de ces villes du charbon", explique Janice, une travailleuse sociale. "Les usines ont fermé, le genre de boulot qu'on trouvait ici n'existe plus par ce qu'on en n'a plus besoin. Je sais que Joe Biden fera tout ce qu'il peut pour l’économie, mais je préférerais qu'il s'occupe du Covid et la vaccination, car sans cela, on ne peut rien faire."

Files d'attente

Sue a les doigts tout rouges de froid. Sa jupe rose et ses bottes fourrées viennent droit de la friperie. De la neige sale s'est solidifiée au pied de la rampe d'accès où elle virevolte au milieu des sacs d'oignons, de pommes de terre, les carottes, le lait, le pain en tranches.  

Au 499 Mulberry Street, c'est le jour de passage de l'Armée du Salut. Joseph Davis, 68 ans, un résident de l'immeuble aide à la distribution. Dans un sac plastique, il a déjà mis de côté du lait, du pain, des pâtes. A ses côtés, Sue aide une femme en déambulateur à attraper deux bouteilles de lait. "Les files d'attente pour la nourriture n'ont jamais été aussi longues. Beaucoup de gens en ont besoin, beaucoup ont perdu leur travail", note Joseph.  

Plein de gens ont perdu leurs maisons, ils ne savent plus que faire. S'il faut nourrir les enfants ou payer les médicaments, payer les traites de la voiture ou les factures d'électricité ?

Devant l'immeuble, le défilé ne cesse pas. 

Tous les résidents de l'immeuble, ou presque, descendent se servir.  

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50 millions d'Américains sont désormais en insécurité alimentaire. L'épidémie de Covid-19 en a fait sombrer 8 millions dans la pauvreté.  

Au début de la pandémie, les aides ont certes permis de voir venir quelques semaines, mais à l'été elles se sont arrêtées.  

En décembre, Sue a reçu un chèque de l'état de 600 dollars. 

"Ça m'a aidé, mais ça ne sera pas suffisant. Ma voiture tombe en morceaux. Je ne sais pas comment je vais m'en sortir", dit-elle.   

Suspendre les expulsions

Sue vit au 8ème étage et Joseph au second. A 65 ans, elle travaille encore au guichet d'un parking. Lui vient de prendre sa retraite, petit employé dans un hôpital. 

Ils ne sont pas les plus à plaindre, reconnaissent-ils : ils cotisent l'un et l'autre à l'assurance maladie, et ont encore un toit. 

À la fin de l’année dernière, un locataire adulte sur cinq était en retard dans son loyer, selon une enquête du recensement américain.

Dans son plan de relance, Joe Biden a annoncé qu'il prolongerait les moratoires sur les expulsions et les saisies jusqu’au 30 septembre. 

Le plan fournirait 30 milliards de dollars aux locataires pour couvrir les frais de logement et de services publics. 

"Faire attention au moindre penny dépensé" : c'est une vie essorée.  A Noël, Joseph Davis, s'est offert un repas à 12 dollars chez Abe, le delicatessen du coin. Mais il n'y a plus grand monde pour s'asseoir aux tables en formica. 

Reposant du pastrami dans la vitrine, Angelo, le propriétaire des lieux, en convient : "En trente ans de boulot, je n'ai jamais vu ça. Grâce aux livraisons, j'ai pu garder tout mon personnel en cuisine, et j'en suis fier. Malheureusement, j'ai dû me séparer des quatre serveuses qui travaillaient en salle. Il n'y avait plus de clients à servir."  

Leur salaire ? "Ça doit être 3 dollars et quelques par heures, sans les pourboires évidemment (qui représentent l'essentiel du revenu des serveurs aux États-Unis)". 

"Un travail, c'est plus qu'un chèque"

Joe Biden en a fait la promesse, le salaire minimal fédéral, jadis à 7;(, devrait passer à 15. Et son gigantesque plan de relance prévoit l'envoi de chèques de 1 400 dollars à 80% des foyers américains.  

Pour Jack, ancien policier, qui sort du delicatessen, ce plan pour donner un coup de fouet hors norme à la consommation américaine relève de la folie. "On va payer énormément d’impôts. Le coût de l’énergie va grimper, pareil pour l'essence, le gaz... Plein de choses vont augmenter".  Parler de l'augmentation du SMIC le rend fou : "Les entreprises américaines ne pourront pas se permettre de payer de tels salaires. Surtout les petites boites. Tout le monde ne peut pas se permettre ça."

L'économie s'en sort encore tant bien que mal, ajoute-t-il, "car elle était bonne avant le Covid, grâce à Donald Trump__. Mais ça ne peut pas continuer comme ça. On ne peut pas distribuer de l'argent tous azimuts, et on ne peut plus laisser fermer de commerces".

Joe Biden a quitté Scranton quand il avait dix ans, après que son père a perdu son emploi. Dans un discours resté célèbre, il a rappelé les mots que celui-ci lui avait lancé. "Tu sais Joe, un travail, c'est plus qu'un chèque à la fin du mois. Il s'agit de ta dignité".  

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