D'après l'APAAD, l'Association Professionnelle de l’Accouchement Accompagné à Domicile, de plus en plus de Françaises choisiraient d'accoucher seules chez elles, sans la présence d'un professionnel de santé. Un choix généralement motivé par un traumatisme lors d'un premier accouchement à l'hôpital.
Pourquoi quelques milliers de Françaises décident d'accoucher seule, chez elle, sans l'assistance d'une sage-femme ? Ce phénomène, appelé ANA (Accouchement Non-Assisté), est impossible à quantifier précisément puisqu'il se déroule derrière les murs des maisons de France. Mais d'après l' APAAD, (Association Professionnelle de l’Accouchement Accompagné à Domicile), les femmes seraient de plus en plus nombreuses à faire ce choix.
Elles sont 17%, âgés de 18 à 45 ans, à souhaiter "tout à fait" accoucher à domicile si c'était possible. Sur les 1 062 femmes interrogées en janvier 2021 lors d'un sondage Ifop, 19% répondent également "plutôt oui". Pourtant, seulement 0,3% des futures mères bénéficient chaque année de l'accouchement à domicile en France, dénoncent les sages-femmes de l'APAAD. Pour cause, elles sont seulement 85 sages-femmes formées à l'AAD (Accouchement Accompagné à Domicile), à exercer sur le territoire français en 2021. Alors que leurs patientes en demande de réaliser un accouchement à domicile sont de plus en plus nombreuses. "On a enregistré 1 200 dossiers environ en 2018 et en 2019" explique Floriane Stauffer, présidente de l'APAAD. En 2020, ce chiffre a grimpé à 1500. Les sages-femmes refusent donc plus en plus de dossiers, "c'est vrai que le phénomène que l'on observe depuis deux ans, mais en particulier en 2020, c'est que de plus en plus de femmes lorsqu'elles ne trouvent pas de sages-femmes, ne se résignent plus à aller à l'hôpital. Elles disent : s'il n'y a pas de sages-femmes, j'accoucherai chez moi, toute seule".
Quand je vais avoir un doute ou une petite peur [sur mon projet d'accouchement] souvent la réponse je vais la trouver sur Instagram. - Mélanie, 33 ans.
C'est le cas de Mélanie. Cette habitante des Landes est enceinte de huit mois et faute d'avoir trouver une sage-femme, elle prévoit d'enfanter seule entre son salon et sa cuisine. "Mes sœurs m'ont dit : hein ? Mais comment vas-tu faire pour le sortir et pour lui faire les premiers soins ?" témoigne la maman d'un premier petit garçon. À ses questions, Mélanie trouve des réponses dans les livres mais aussi sur les réseaux sociaux, "quand je vais avoir un doute ou une petite peur, souvent la réponse je vais la trouver sur Instagram, sur le compte de Naître à la Maison".
@naitrealamaison s'appelle en réalité Elisabeth. Cette maman de cinq enfants (dont quatre sont nés à la maison), partage aujourd'hui ses connaissances sur la pathologie de l'accouchement sur les réseaux sociaux. Une passion pour cette mère de famille qui est même devenue une profession. Sorte de coach de naissance en ligne, Elisabeth propose aux femmes un forfait de cinq séances pour 300 euros. "Ce sont des rendez-vous individuels et je réponds aux demandes de chaque femme donc c'est très varié. Ça peut-être les peurs autour de l'enfantement, les besoins de la femmes qui enfante, le post-partum, etc. Je n'assiste pas aux accouchements donc c'est vraiment de la "Child Birth Education", l'Éducation autour de la naissance" explique l'Instagrameuse.
Mais si 85% des accouchements se déroulent normalement, 15% tournent mal rappelle Israël Nisand. Pour le professeur de gynécologie-obstétrique à l'université de Strasbourg, "c'est pour moi un danger pour soi et pour l'enfant que d'accoucher à domicile même si on y est aidé. Un enfant peut naître en état de mort apparente sans qu'il n'y ait eu quoi que ce soit pour le prévenir, des complications hémorragiques peuvent voir le jour". Le taux de mortalité du bébé est même deux fois plus élevé lors d'un accouchement non-assisté affirme Israël Nisand. Toutefois, toutes ces futures mères se disent prêtes à appeler les secours ou à changer leur plan d'accouchement en cas de risques, et voient aussi dans leurs salons la sécurité.
Loin de la violence des forceps, scalpels, spatules et ventouses
Si Molly a toujours eu en elle cette envie d'accoucher à son domicile, son premier accouchement a fini de la convaincre. "J'aurais préféré aller chez le vétérinaire plutôt qu'à l'hôpital" lance la maman de trois petites filles. "Ce jour là, apparemment, il y avait deux ou trois césariennes en cours, la sage-femme s'avance vers moi et me dit : on ne vas pas vous traumatiser avec un accouchement à 20 ans : regardez vous la douleur ça vous rend laide" raconte Molly toujours aussi émue huit ans plus tard.
[Après une péridurale ratée et en plein travail], les soignants n'avaient pas le temps de s'occuper de moi, ils m'ont fait m'allonger sur la poubelle pour ne pas avoir à me tenir un haricot pendant que je vomissais. - Molly, maman de trois petite filles.
L'anesthésiste pose finalement la péridurale à Molly "sans [son] consentement" mais il la place "trop vite et trop loin" explique la jeune femme. "J'ai une décharge électrique du rachis jusqu'au coccyx, je perds l'usage de la parole, je perds l'équilibre. De douleur je vomissais tout ce que j'avais. Comme ils n'avaient pas le temps de s'occuper de moi, ils m'ont fait m'allonger sur la poubelle". Un véritable traumatisme pour l'habitante du Vaucluse, "J'avais toujours dit, mes prochains enfants je les aurais dans ma baignoire envers et contre tout et je n'ai jamais changé d'avis. Jamais". Quelques années plus tard, l'Avignonnaise accouchera d'une deuxième petite fille au pied de son canapé, puis d'une troisième dans son lit.
"Je comprends complètement ces traumatismes" répond Israël Nisand. Le spécialiste en procréation médicalement assistée se dit même "en guerre contre des comportements délictueux de certains médecins et de certaines sages-femmes qui travaillent encore aujourd'hui comme il y a trente ou quarante ans. Mais très clairement je préfère faire l'impossible pour que les salles de naissances soit des prolongements du salon-salle à manger des personnes et qu'ils n'y soient pas blessés par des paroles ou par des actes, plutôt que de forcer les femmes à prendre des risques pour leurs vies et pour leurs enfants".
C'est aussi prendre le risque de s'exposer à une enquête des services sociaux. Si aucun texte n'interdit l'accouchement à domicile en France, une mère s'expose à des poursuites pour mise en danger de la vie de son enfant lorsqu'elle accouche seule, par choix.
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