Afghanistan : le défi majeur de l'éducation des filles

Des enfants afghans se retrouvent dans les débris d'une école proche du site d'un attentat à la voiture piégée perpétrée par des talibans à Kaboul le 2 juillet 2019.
Des enfants afghans se retrouvent dans les débris d'une école proche du site d'un attentat à la voiture piégée perpétrée par des talibans à Kaboul le 2 juillet 2019. ©AFP - Wakil Kohsar
Des enfants afghans se retrouvent dans les débris d'une école proche du site d'un attentat à la voiture piégée perpétrée par des talibans à Kaboul le 2 juillet 2019. ©AFP - Wakil Kohsar
Des enfants afghans se retrouvent dans les débris d'une école proche du site d'un attentat à la voiture piégée perpétrée par des talibans à Kaboul le 2 juillet 2019. ©AFP - Wakil Kohsar
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A quelques jours de l'élection présidentielle afghane, reportage dans la province de Kaboul sur l'éducation des jeunes, en particulier des filles. Leurs établissements scolaires étant particulièrement ciblés par des attaques.

J-5 avant le scrutin présidentiel en Afghanistan. Un scrutin dans un contexte très violent avec des attaques ciblées toujours plus nombreuses. En Afghanistan, l’éducation des filles reste un défi majeur. Dans ce pays en guerre depuis quarante ans, où s’affrontent talibans, branche locale du groupe Etat islamique et forces gouvernementales, les écoles sont régulièrement attaquées. Les établissements réservés aux filles sont particulièrement ciblés. Près de la moitié des jeunes Afghans en âge d’être scolarisés ne le sont pas… Dont une majorité de filles.

Reportage de Sonia Ghezali dans le village de Nasiri, dans la province de Kaboul, où des hommes armés ont incendié une école pour filles le 20 août dernier.

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Jeunes filles étudiant à Kaboul le 16 juillet 2019
Jeunes filles étudiant à Kaboul le 16 juillet 2019
© AFP - Wakil Kohsar

Shelogho monte la garde assis sur une chaise en plastique bleu à l’entrée de l’école. Cela fait neuf ans que le vieil homme à la longue barbe blanche veille sur cet établissement pour  fille du district de Shakardarah, dans la province de Kaboul. Chaque nuit, il dort sur place avec l’un de ses fils. Il y a un mois, il est réveillé brutalement : "Il était minuit, je dormais. Des hommes sont arrivés, ils m’ont attaché les mains derrière le dos et m’ont enfermé dans la pièce.

Les hommes armés forcent le fils de Shelogho, 9 ans, à leur ouvrir les portes de l’école. Ils y mettent le feu, et détruisent la bibliothèque. Ce n'est pas la première contre l’école : "Il y a trois ans, des hommes ont tiré sur le portail et ont tué mon chien. Ils ont posé un engin explosif improvisé juste devant l’entrée."

Malgré la peur, Wajda, 11 ans, a elle retrouvé les bancs de l’école, même si les murs sont calcinés et les vitres brisées : "On se demandait toutes ce qui allait se passer, si on allait pouvoir retourner un jour à l’école.” 

Enseignante, Maghnoz Jilali est aussi très marquée par ces événements. Elle fait chaque jour la route depuis le centre de Kaboul . 

J’ai peur quand je viens travailler. Mais comment faire autrement. C’est mon travail de venir enseigner à ces jeunes filles. Si je ne le fais pas, qui le fera ? 

Les autorités locales accusent les talibans. Ces derniers nient et disent même soutenir l'éducation des filles, à certaines conditions cependant, comme l'explique Nazar Mohammed Mutmaeen, un ancien cadre taliban :

D’après la loi islamique et selon les traditions afghanes, il n'y a pas de classe mixte. Il doit y avoir des bâtiments séparés et des programmes différents pour les filles et les garçons. Et il faut qu'il y ait aussi un environnement favorable au déplacement des filles à l’école et à l’université.

L’éducation des filles est menacée par les talibans, mais aussi par les traditions en Afghanistan, selon Laila Haroun, qui travaille pour l'ONG française Afrane, spécialisée dans l'éducation :

Quand les filles deviennent adolescentes, leurs familles ne les laissent souvent plus aller à l'école. Soit parce qu'elles sont fiancées ou mariées très jeunes, soit pour éviter le harcèlement dont elles sont victimes sur le chemin de l'école.

Avec son ONG afghane qui promeut le soutien à l'éducation et l'alphabétisation des femmes, Hassina Shrjan espère aider à faire évoluer les mentalités : 

Il y a un manque d’éducation, c’est un manque d’alphabétisation, un manque de compréhension. Les parents ont peur de tout. Cela prend plusieurs années d’éduquer toute une population pour qu'elle comprenne pourquoi l’éducation est si importante. C'est pour cela que nous alphabétisons les mères. Il faut éduquer les mères pour éduquer les prochaines générations. Parce que les parents ne sont pas lettrés et n’ont pas reçu d’éducation. Donc ils croient les mollahs des mosquées qui sont illettrés et n'importe quoi de ce que disent les gens. Ils sont sous l'influence de la société et des gens. Les familles ne laissent pas leur filles aller à l'école donc tout le monde fait pareil. Tout est dû à l'illettrisme, donc plus nous éduquons les gens plus les problèmes se résoudront d’eux-mêmes. 

En 2018, plus de 200 écoles ont été attaquées en Afghanistan.

© Visactu

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