Au Brésil, la pandémie de Covid-19 est hors de contrôle. Le pays serait même devenu un "laboratoire à ciel ouvert" selon de nombreux scientifiques. Certains épidémiologistes vont même plus loin, ils affirment que l’apparition d’un nouveau virus en Amazonie serait imminente.
Les scientifiques de Manaus lancent aujourd’hui ce cri d’alerte : "C’est en Amazonie qu’il y a le plus grand risque de voir surgir un nouveau virus, et ce risque est infiniment plus important que ce que l’on a vu à Wuhan", prévient le biologiste Lucas Ferrante, doctorant à l’Institut de recherche sur l’Amazonie (INPA).
La théorie que les experts avancent ici s’appuie sur une réaction en chaîne assez simple à comprendre : la pression anthropique (les agressions répétées de l’Homme sur la forêt ) déstabilisent la faune et déséquilibrent ce gigantesque bouillon de culture qu’est l’Amazonie. Alessandra Nava est chercheuse vétérinaire à la Fondation Oswaldo Cruz de Manaus, l'équivalent de l’Institut Pasteur. Alessandra est une chasseuse de nouveaux virus :
Notre travail, c’est de la surveillance active. Quand on va sur le terrain, on essaie d’attraper le virus avant qu’il n’arrive. Donc on va à la rencontre des chauves-souris, des rongeurs, des singes, pour repérer les pathogènes qui présentent un risque de mortalité pour l’Homme et s’y préparer avec un vaccin. On essaie d'anticiper tout ça.
Aujourd’hui, c’est au Centre de détection des animaux sauvages de Manaus qu’Alessandra travaille, sur des bébés singes recueillis, protégés et examinés par Natalia Souza Lima. Tous les animaux séjournant au CETAS (Centre de détection des animaux de la forêt) ont été capturés ou blessés par la main de l’Homme : "La chasse au Brésil est interdite. Tout ça est contrôlé, mais il y a aussi beaucoup de marchés clandestins".
Premier problème : 70% des maladies émergentes viennent du trafic d’animaux sauvages. L'OMS milite aujourd’hui activement pour une interdiction mondiale difficile à faire appliquer.
"Le crime contre la faune, on ne le repère pas avec une image satellite comme pour la déforestation où on peut voir les arbres abattus. Pour la faune, il faut un vrai travail de renseignement pour identifier les bêtes et trouver les filières", observe Natalie Souza Lima.
La main de l’Homme favorise les explosions virales. Tout est réuni malheureusement en Amazonie pour qu’une épidémie éclate ! Il y a une forte probabilité pour que ça arrive, on y va tout droit !
Si Alessandra Nava est aussi sûre d’elle, c’est qu’il y a un deuxième problème et il est de taille : la déforestation.
La déforestation responsable de l'émergence de nouveaux virus
Dans leur rapport effectué à Wuhan, les experts de l’OMS ont mentionné la responsabilité de l’action humaine dans l’émergence de nouveaux virus. La déforestation accélère l’émergence de virus inconnus.
Habituellement, quand on parle de déforestation, on parle de réchauffement climatique. Ce que disent les chercheurs de Manaus, c’est qu’en pénétrant les écosystèmes trop vite et de façon trop imprudente, l’Homme finit par s’exposer. Lucas Ferrante s’alarme :
On ne parle pas simplement de coronavirus, on parle de virus complètement inconnus de l’Humanité qui peuvent se libérer à n’importe quel moment et provoquer une nouvelle pandémie, y compris plus grave que celle-ci ! Tout ça à cause de la déforestation ; que les choses soient claires.
Le mois dernier au Brésil, plus de trois fois la superficie de la ville de Paris a été déboisée. Une fuite en avant qui ne restera pas sans conséquences, prévient Lucas Ferrante :
On sait déjà que les services de veille sanitaire en Amazonie sont très lents, la preuve c’est que le variant P1 a d’abord été détecté au Japon et pas par les autorités brésiliennes, donc l’apparition d’une nouvelle maladie au potentiel pandémique ici ne sera pas signalée avant qu’elle ne se soit répandue à travers le monde.
Le dysfonctionnement des autorités, la gestion par omission du gouvernement fédéral de la pandémie actuelle, la négation aussi des messages d’alerte envoyés par les chercheurs Brésiliens, le problème est incontestablement politique au Brésil. Jaïr Bolsonaro, le président d’extrême droite brésilien est le premier responsable à être pointé du doigt. Concernant la déforestation, il l’a constamment encouragée depuis son arrivée au pouvoir : soutien à l’agrobusiness et décriminalisation de l’orpaillage dans ses prises de parole.
Arthur Virgilio Neto est un pilier de la politique brésilienne. Un homme de la droite traditionnelle brésilienne, à la carrière longue comme le bras : trois mandats de député fédéral, sénateur pendant 8 ans. Il est aussi l’ancien maire de la capitale amazonienne, Manaus :
Le président Bolsonaro, ce monsieur, s’il ne change pas, il échappera difficilement à un jugement devant le tribunal international de La Haye.
A ce jour, plus d’une centaine de demandes d’impeachment ont été déposées au parlement brésilien, pour dénoncer une “stratégie institutionnelle de propagation du virus” de la part du président brésilien Jaïr Bolsonaro dans cette pandémie.
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