Birmanie un an après, la guerre civile aux frontières

Camp de réfugiés birmans, à la frontière thaïlandaise.
Camp de réfugiés birmans, à la frontière thaïlandaise. ©Radio France - Carol Isoux
Camp de réfugiés birmans, à la frontière thaïlandaise. ©Radio France - Carol Isoux
Camp de réfugiés birmans, à la frontière thaïlandaise. ©Radio France - Carol Isoux
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Depuis le coup d'État en Birmanie du 1er février 2021, des réfugiés Birmans sont prêts à reprendre la lutte le long de la frontière thaïlandaise.

Cela fait un an, presque jour pour jour, que les généraux birmans ont pris le pouvoir en Birmanie, que la cheffe du gouvernement élu Aung San Suu Kyi est emprisonnée. Un an de manifestations sanglantes, de grèves, d’arrestations. Certaines zones du pays ont glissé dans la guerre civile, comme l’État Kayin, à la frontière de la Thaïlande, où des dizaines de milliers de réfugiés ont afflué ces dernières semaines pour échapper aux bombardements.

Notre correspondante dans la région Carol Isoux a réussi à se rendre sur place, en Birmanie, pour rencontrer ces réfugiés.

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"D’ici aussi on entend les bombardements, un jour sur deux"

Pour passer en Birmanie, depuis la Thaïlande, il faut traverser la rivière Moei, qui marque la frontière. Tout le long des deux rives, des dizaines de milliers de réfugiés ont afflué ces dernières semaines, leurs abris de fortune s’étalent sur des kilomètres et ils fuient les bombardements à l’intérieur de la Birmanie. Arrivée il y a quelques jours, un bébé accroché à son sein, cette jeune femme raconte sa fuite dans la forêt.

Il y avait des rumeurs que l’armée birmane se rapprochait, qu’ils allaient attaquer le village et puis un matin on a entendu les avions arriver, tout le monde autour de moi s’est mis à crier, à courir. J’ai rassemblé mes 4 enfants, et on a couru, nous aussi. Il paraît qu’il n’y a plus de village. D’ici aussi on entend les bombardements, un jour sur deux, mais d’un peu plus loin, c’est plus sûr.

Attaques au mortier, explosif, villageois brûlés vifs, les récits des exactions des soldats birmans se multiplient et se ressemblent.

Camp de réfugiés : "Ceux qui sont là ont pris beaucoup de risques, ils sont en danger"

Ceux qui passent la frontière sont placés dans des camps par l’armée thaïlandaise, qui surveille le passage. Ici, pas d’électricité, pas de toilettes et la rivière comme seul accès à l’eau. Les nouveaux arrivants fabriquent des abris avec du bambou et des bâches en plastique.

On essaie de construire une tente… à partir de 7h ici, il fait nuit noire, on ne voit rien…et si tu veux te laver, c’est la rivière…

Camp de réfugiés Birmans, à la frontière thaïlandaise. Décembre 2021.
Camp de réfugiés Birmans, à la frontière thaïlandaise. Décembre 2021.
© Radio France - Carol Isoux

Au moins ici les jeunes combattants sont en sécurité, les soldats birmans n’osent pas faire d’incursion chez leurs voisins, mais l’armée thaïlandaise ne veut pas rendre officiel le fait que des combattants pro-démocratie se cachent sur son territoire. C’est ce que nous explique discrètement un soldat, qui veille sur le camp :

Ceux qui sont là ont pris beaucoup de risques, ils sont en danger, nous veillons à leur sécurité. Ici, il y a beaucoup de groupes qui combattent le gouvernement militaire birman, il faut que l’emplacement du camp reste secret.

Ceux qui le peuvent traversent la frontière clandestinement pour aller se réfugier dans des zones urbaines. Là, dans une petite maison discrète s’abrite un groupe de jeunes combattants : trois garçons, trois filles avec leur instructeur venus plein d’enthousiasme des grandes villes du pays s’entraîner auprès des armées ethniques. Mais lorsque les avions birmans sont arrivés, ils ont dû renoncer à se battre par manque de moyens, c’est ce que nous avoue le jeune chef de groupe, restaurateur, rappeur à ses heures perdues. "Néo" est son nom de code :

Il fallait que je me batte, on ne pouvait pas se contenter de protester, de manifester. Jamais je n’aurais imaginé que je serais soldat un jour, c’était très loin de ma vie. Mais une fois dans la jungle, on manquait de tout, de chaussettes, de chaussures, il n’y avait même pas assez d’uniformes pour tous les soldats…c’en était à ce point… Pour 40 combattants, on avait 7 fusils… Les munitions, n’en parlons pas : chaque soldat avait le droit à deux balles pendant trois mois. Les responsables politiques nous disaient "Ne vous inquiétez pas les jeunes, on y travaille, quand la bataille commencera vous aurez les armes". C’était des mensonges, la vérité c’est que lorsque la bataille a commencé, on a dû fuir… ça craint, pour un soldat.

L'armée thaïlandaise ne veut pas rendre officiel ces camps

Des jeunes amèrement déçus du manque de soutien de la part du gouvernement central en exil, qui avait pourtant promis d’aider les jeunes combattants. Mais le ministre délégué à l’Énergie Mau Htun Aung se justifie en soulignant que son gouvernement n’est toujours pas reconnu par la communauté internationale :

Nous fonctionnons dans des circonstances extrêmement difficiles. Lorsque vous opérez au niveau international, vous avez absolument besoin d’une reconnaissance officielle. Sans cela, vos comptes en banque peuvent être gelés, toute la logistique doit se faire sous le manteau. C’est vrai, le gouvernement central n’est pas en mesure d’aider les jeunes combattants, ils ont tout à fait le droit d’être déçus, mais c’est aussi lié au fait que nous n’avons reçu aucun soutien de la part des pays démocratiques, qui tout en saluant haut et fort le courage du peuple birman, ne lui apportent aucune aide concrète.

Un an après le coup d'État, Tandis que l’armée birmane gagne du terrain à la frontière, les jeunes combattants veulent y croire encore et essaient de lever des fonds pour acheter des armes et retourner au front, bientôt.

Cultures Monde
57 min

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