Le premier confinement avait été particulièrement éprouvant pour les membres des organismes d'aide alimentaire : explosion de la précarité dans le pays, bénévoles à protéger, stocks à regarnir… Aujourd'hui, l'effet de surprise a disparu, mais l'incertitude, elle, est encore bien présente.
Depuis le premier confinement, le pays fait face à une explosion de la précarité. Les chiffres sont éloquents : du 17 mars au 11 mai 2020, près de 1,3 million de personnes ont demandé de l'aide au Secours Populaire. Et 45% d'entre elles n'avaient, jusqu'ici, jamais sollicité l'association.
Faire plus avec moins
Répondre à toujours plus de demandes avec des stocks qui s'amenuisent. Du côté de la BAPIF, la Banque alimentaire de Paris et d'Ile-de-France, l'équation devient presque impossible. Dans ses locaux situés à Arcueil, au Sud de la capitale, 120 bénévoles et salariés se relaient pour réceptionner, stocker et délivrer des cagettes de denrées alimentaires.
Stéphane Poyé est responsable entrepôt de la BAPIF. Il ne cache pas ses inquiétudes pour la suite : "On va très certainement arriver à saturation de ce que l’on peut distribuer, par rapport à ce que l’on récupère."
On va dire qu’on donne trois cagettes de produits laitiers à chaque association. On sera peut-être obligé de n’en distribuer plus que deux, ou une et demie, pour que toutes les associations puissent en bénéficier. On n'en est pas encore là, mais c'est une crainte.
Les banques alimentaires, un rôle essentiel
L'association se trouve tout en haut de la chaîne de redistribution : elle vient en aide à plus de 300 organismes dans la région, comme la Croix Rouge ou Emmaüs. D’habitude, l’association compte sur la collecte nationale dans les grandes surfaces pour renflouer les stocks. Elle se déroule du 27 au 29 novembre. "Pour nous en Île-de-France, cette collecte représente 30% de nos approvisionnements", explique Nicole Farlotti, la présidente de la BAPIF. Mais elle le sait déjà : la collecte 2020 sera moins bonne que les années précédentes.
Si il n'y a pas de clients en magasin, cela va être très compliqué. Et localement, dans des magasins où il n’y pas beaucoup de place, les gérants ne voudront pas que nos bénévoles viennent, afin d'éviter les attroupements.
A quelques kilomètres de là, du côté de Gentilly, se trouve le siège de la fédération des banques alimentaires de France. Laurence Champier en est la directrice. Pour elle, le seul aspect positif de ce nouveau confinement, c’est que l’effet de surprise n’existe plus. L'association a conservé son protocole sanitaire, avec "des équipes plus réduites, une réorganisations des plannings de la ramasse, l'allongement des horaires d'ouverture" pour éviter les contacts et les interactions au maximum.
Plus de 1 500 nouveaux bénévoles depuis septembre
Depuis le premier confinement, les banques alimentaires s’activent pour rester à flot comme elles peuvent. L’association compte 1500 nouveaux bénévoles sur tout le territoire depuis septembre. Ce sont pour la plupart des étudiants et des travailleurs au chômage partiel. De nouveaux donateurs fournissent des vivres, comme les restaurateurs, contraints de fermer.
Et les banques alimentaires, grâce aux aides de l’Etat et des collectivités territoriales, ont acheté des denrées alimentaires pour regarnir leurs stocks. "Une première dans l'histoire de l'association" constate la directrice fédérale Laurence Champier.
On a acheté pour environ 5 millions d’euros de denrées. On voit depuis le mois de mars une baisse de nos stocks extrêmement rapide. Nous sommes à -22% de nos stocks aujourd’hui par rapport à la même période de l’année dernière.
Laurence Champier, directrice fédérale des banques alimentaires, lance un appel pour la collecte nationale de fin novembre
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Les autres associations dans le flou également
Cette incertitude ne frappe pas seulement les banques alimentaires. Patrice Blanc est le président des Restos du Cœur. Il alerte sur deux phénomènes qui frappent plus particulièrement les territoires ruraux avec ce deuxième confinement. Tout d’abord, la difficulté pour trouver de nouveaux bénévoles, faute de bassin étudiant important. Et il y a aussi la question des centres de distribution.
Ce sont souvent dans les petites villes, en milieu rural, de vieux bâtiments qui posent problèmes pour respecter les gestes barrières. Pendant l’été, la météo nous permettait d’utiliser l’espace devant les locaux, d’être dehors, pour organiser l’aide alimentaire. Mais là, le temps ne nous le permet pas…
Patrice Blanc espère de l’aide de la part des collectivités pour trouver des nouveaux lieux de distribution, et pour que les Restos du Cœur puissent faire face tant bien que mal à cette nouvelle épreuve.
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