Situé dans l’est de la République Démocratique du Congo, l’immense parc du Kahuzi Biega, 600 000 hectares, essaie tant bien que mal de valoriser sa forêt et ses gorilles, en bonne entente avec les populations pygmées.
Elles constituent le deuxième poumon de la terre après l’Amazonie : les immenses forêts de la République Démocratique du Congo. Au parc national de Kahuzi-Biega, 600 000 hectares de forêt dans le Kivi, on cherche à concilier préservation de la biodiversité et valorisation socio-économique des richesses naturelles en lien avec les populations autochtones. Un défi à relever dans un parc aux terres convoitées et peuplées d'une espèce endémique, le gorille des plaines.
S'enfoncer dans le parc de Kahuzi-Biega nécessite de marcher difficilement parfois sur des sentiers dessinés par les gorilles. 13 familles de gorilles des plaines sont répertoriées. L'écogarde Papa Lambert les suit à la trace. Ce jour-là, il piste un mâle nommé "Bonne année" et sa petite famille qui se montre enfin.
Nous suivons 13 familles de gorilles sur le système de monitoring, mais nous avons choisi de visiter "Bonne année" qui était le plus proche aujourd'hui.
Tensions entre les écogardes et les peuples autochtones pour conserver ce patrimoine mondial
Le parc, inscrit au patrimoine mondial de l' Unesco il y a plus de 40 ans, figure aujourd'hui sur la liste des patrimoines en péril. Il fait l'objet de convoitises, notamment de la part de bandes armées dans un pays toujours en guerre. Dedieu Bya Ombe, le directeur du parc de Kahuzi-Biéga :
"Nous sommes en train de faire une conservation dans une zone, on ne peut pas dire post-conflit, car le conflit est encore là. Nous savons que beaucoup de bandes armées cherchent des cachettes dans des milieux qui sont encore intacts et ce sont des aires protégées. Ils cherchent à se ravitailler en armes et munitions et souvent ils font l'exploitation de la destruction de ces aires protégées pour renforcer leur activité. Ils détruisent la forêt. C'est une grande difficulté pour la conservation aujourd'hui à l'Est de la RDC."
Il y a plusieurs années, les populations pygmées ont été chassées du parc devenue aire protégée. Dépossédées des ressources naturelles qu'apportait autrefois la forêt. Sédentarisées, des communautés vivent aujourd'hui à la lisière du parc, accusées de pénétrer malgré tout dans le parc et de la détruire. Difficile à entendre pour Pascal Iragi. Il est l'un des représentants pygmées :
"Nous, les pygmées, sommes les premiers conservateurs. Les pygmées sont comme les époux-épouses du parc, parce qu'il n'y a pas de parc sans pygmées, il n'y a pas de pygmées sans parcs. Si vous allez dans les campements pygmées, vous allez voir une vie très misérable. Nos vieux ont été des conservateurs. Nous aussi, pourquoi ne pas les imiter ? On pourrait avoir des terres en dehors du parc, pour y installer aussi des jardins botaniques où on va exercer notre culture. Vous imaginez notre inquiétude de disparaître, si on ne pratique plus cette culture. Mais si on avait des terres, on pourrait planter les plantes médicinales qui sont dans le parc. Ça pourrait nous aider."
Le directeur du parc De-dieu Bya'Bya'ombe reconnait qu'il y a des tensions entre les écogardes et les pygmées accusés d'entrer illégalement dans le parc de Kahuzi-Biega.
"Les écogardes ont été pointés du doigt. C'est leur travail de ne pas accepter qu'il y ait des présences humaines qui sont en train de détruire les parcs. Des commandos autochtones pygmées qui faisaient la carbonisation, la braise, qui faisaient l'exploitation des bois, bref qui faisaient la déforestation. Ils ont déforesté 450 hectares qui étaient rendus, en terrain de football. Et là, on ne pouvait pas accepter de perdre toute cette bande de forêt au nom de la protection des peuples autochtones pygmées. C'est un peuple qui est dans une transition de la vie nomade à la vie sédentaire. C'est tout un processus."
Le tourisme autour des gorilles est une des pistes de développement économique qui profiterait à tout le monde. De nombreux agents du parc de Kahuzi-Biega ont été recrutés parmi les communautés pygmées, qui gardent aussi l'espoir de vivre de leurs savoirs ancestraux intimement liée à la forêt.
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