Élections régionales 2021 : en Bretagne, le modèle agricole divise

Avec près de 800 000 vaches laitières (ici des Prim'Holstein à Ploeuc-l'Hermitage dans les Côtes-d'Armor), la Bretagne fournit plus de 20% du lait français
Avec près de 800 000 vaches laitières (ici des Prim'Holstein à Ploeuc-l'Hermitage dans les Côtes-d'Armor), la Bretagne fournit plus de 20% du lait français ©Radio France - Rosalie Lafarge
Avec près de 800 000 vaches laitières (ici des Prim'Holstein à Ploeuc-l'Hermitage dans les Côtes-d'Armor), la Bretagne fournit plus de 20% du lait français ©Radio France - Rosalie Lafarge
Avec près de 800 000 vaches laitières (ici des Prim'Holstein à Ploeuc-l'Hermitage dans les Côtes-d'Armor), la Bretagne fournit plus de 20% du lait français ©Radio France - Rosalie Lafarge
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Avec treize listes déclarées et des guerres entre candidats de mêmes camps, les élections régionales des 20 et 27 juin 2021 en Bretagne s'annoncent très ouvertes. Parmi les thèmes qui vont peser dans le vote des Bretons, l'agriculture et l'agroalimentaire tiennent une place de choix.

Les 20 et 27 juin 2021, les Bretons auront le choix entre treize listes pour les élections régionales. Dans un récent sondage Odoxa, 94% des Bretons inscrits sur les listes électorales et ayant exprimé une intention de vote au premier tour soulignent que l'agriculture et l'agroalimentaire sont des thèmes qui vont compter dans leur décision. 

Le modèle agricole breton dominant, souvent décrit comme un "mastodonte productiviste" fait débat aujourd'hui, dans une région où le secteur au sens large représente 20 à 30% des emplois directs et indirects. 

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Claire Desmares-Poirrier, tête de liste "Bretagne d'avenir" (EELV-UDB).
Claire Desmares-Poirrier, tête de liste "Bretagne d'avenir" (EELV-UDB).
© Radio France - Rosalie Lafarge

Sur un marché de Rennes, les militants écologistes distribuent des tracts et mettent en avant la casquette d'agricultrice bio de leur candidate, "une jeune femme qui, depuis dix ans, a créé une ferme bio dans le sud du département". Cette femme, en tête de la liste Bretagne d'avenir, soutenue par Europe Ecologie les Verts et l'Union Démocratique Bretonne, c'est Claire Desmares-Poirrier

Si elle sait à quel point le sujet est sensible en Bretagne, notamment parce que le monde agricole fait vivre énormément de Bretons, elle l'assure : "si on ne fait rien aujourd'hui, ces emplois seront détruits, et c'est justement parce qu'il faut maintenir l'emploi dans le secteur agroalimentaire qu'il faut faire une transition. Aujourd'hui, on a beaucoup de fermes qui disparaissent, et on a une ferme sur deux à transmettre dans les dix ans qui viennent donc, de toute façon, on est pressé par le temps pour prendre les bonnes décisions"

Si on ne fait rien, ces emplois seront détruits". Claire Desmares-Poirrier

D'après elle, le modèle breton, "où tout était fait pour la quantité, n'a plus d'équilibre aujourd'hui". Claire Desmares-Poirrier préconise de fixer des objectifs clairs pour que dans une dizaine d'années, "on ait fait une transition efficace vers un modèle plus agro écologique sans que personne ne perde sa ferme". Une urgence à agir partagée par son concurrent écologiste sans étiquette Daniel Cueff, ancien maire de Langouët, en tête de la liste Bretagne, ma vie, connu notamment pour son arrêté anti-pesticides. 

Les militants écologistes distribuent des tracts sur un marché de Rennes
Les militants écologistes distribuent des tracts sur un marché de Rennes
© Radio France - Rosalie Lafarge

Une transition déjà engagée

Mais l'actuel président socialiste de la région, Loïg Chesnais-Girard, tient à souligner que les choses avancent vite sur ce sujet, même si "les citoyens ne le perçoivent pas forcément". Il défend son bilan et promet de poursuivre les efforts s'il est réélu avec sa liste La Bretagne avec Loïg. "Il y a des bascules considérables, des changements de pratique qui se font de manière accélérée, souligne-t-il, mais nous sommes sur le vivant : on ne passe pas d'un système conventionnel à un système bio en une année, ni d'un système ammonitrates/soja/gasoil à un système prairie/herbe/vaches à herbe en une année. Il faut du temps, de la formation, et de l'assurance financière. C'est un chantier qui n'est pas fini, sur lequel nous avons déjà beaucoup de victoires, mais encore du chemin à parcourir"

C'est un chantier qui n'est pas fini, mais sur lequel nous avons déjà beaucoup de victoires". Loïg Chesnais-Girard

Le président sortant met en avant les "plus de 5 000 exploitations bretonnes en contractualisation avec le conseil régional pour mettre en œuvre des pratiques agro environnementales" et l'accélération de la transition vers le bio, affirmant que le nombre de fermes en bio a été multiplié par deux au cours des dix dernières années. A ceux qui considèrent qu'il n'a pas assez fait en la matière, Loïg Chesnais-Girard répond qu'il est "dans l'action au quotidien" et qu'il fait partie des "faisous".

Loïg Chesnais-Girard, actuel président socialiste de la région et candidat pour "La Bretagne avec Loïg"
Loïg Chesnais-Girard, actuel président socialiste de la région et candidat pour "La Bretagne avec Loïg"
© Radio France - Rosalie Lafarge

Sur le fond, le discours de l'actuel président de région est assez proche de celui de son allié, devenu son rival. Vice-président chargé de l'Environnement au conseil régional, limogé à l'annonce de sa candidature, Thierry Burlot tient plutôt à se démarquer d'Europe Ecologie les Verts, dont il trouve les propositions trop "brutales". "S'il faut revenir à une production pour 3 millions 300 000 habitants, alors qu'on produit aujourd'hui pour plus de 15 millions de personnes, c'est toute l'économie bretonne qui s'effondre", tranche d'emblée le candidat de la liste Nous la Bretagne avec Thierry Burlot, soutenu par la majorité présidentielle. 

La transition sera progressive mais on va dans la bonne direction". Thierry Burlot

"Je ne vais pas dire que tout est bien dans le meilleur des mondes parce qu'on a encore des algues vertes en baie de Saint Brieuc et ailleurs, donc on est bien d'accord pour dire qu'il y a des sujets, précise-t-il, mais je trouve qu'on va plutôt dans la bonne direction. Donc la transition sera progressive, il faut qu'on joue sur les mutations foncières et agricoles pour aller dans le sens d'une meilleure qualité des productions. Le modèle agricole breton ne peut s'en sortir qu'autour de valeurs : la traçabilité, la sécurité alimentaire des produits et le respect de l'environnement. Je suis convaincu que la Bretagne peut devenir une terre d'excellence en matière de production". 

Thierry Burlot, tête de liste "Nous la Bretagne avec Thierry Burlot", soutenu par la majorité présidentielle
Thierry Burlot, tête de liste "Nous la Bretagne avec Thierry Burlot", soutenu par la majorité présidentielle
© Radio France - Rosalie Lafarge
À réécouter : La Bretagne à la pointe
Entendez-vous l'éco ?
58 min

Quantité et/ou qualité ?

Produire mieux, c'est peut être produire moins. La Bretagne fournit aujourd'hui plus de la moitié des cochons français, un tiers des poulets, 20% du lait, 40% des œufs, 30% des tomates, la liste est longue. Et ça n'est pas sans conséquences environnementales et économiques. La tête de liste de Bretagne insoumise, soutenu par la France Insoumise, Pierre-Yves Cadalen dénonce "l'impasse écologique et économique des fermes-usines". Le Parti Breton, emmené pour ce scrutin par Joannic Martin pour la liste Bretagne responsable, réclame une taille limite des exploitations. 

Gilles Pennelle, candidat pour "Une Bretagne forte", liste soutenue par le Rassemblement National
Gilles Pennelle, candidat pour "Une Bretagne forte", liste soutenue par le Rassemblement National
© Radio France - Rosalie Lafarge

Le candidat du Rassemblement National pour la liste Une Bretagne forte, Gilles Pennelle, plaide lui pour une écologie très identitaire. Le problème, selon lui, c'est que "le modèle agricole breton souffre d'une concurrence étrangère très déloyale". Il souligne ainsi la nécessité de "rétablir une souveraineté alimentaire bretonne et française" et propose d'imposer de "privilégier les produits de l'agriculture bretonne dans tous les marchés publics" (ce qui fait légalement débat). 

Arrêtons d'accuser les agriculteurs de tous les maux". Gilles Pennelle

"Si on veut réduire les rendements, il faut aussi augmenter les prix, poursuit Gilles Pennelle. Mais ça, est-on capable de le faire ? Non, parce que la politique agricole commune, les traités de libre-échange, et l'entrée sur notre sol de productions agricoles qui viennent de partout font chuter les prix. Donc protégeons nos frontières, établissons un véritable protectionnisme, faisons remonter les prix, et surtout, soutenons nos agriculteurs et arrêtons de les accuser de tous les maux comme le font ceux que j'appelle les bobos trottinettes", tacle l'actuel conseiller régional RN.

Isabelle Le Callennec (LR) en visite chez le producteur de beurre de baratte Le Vieux Bourg
Isabelle Le Callennec (LR) en visite chez le producteur de beurre de baratte Le Vieux Bourg
© Radio France - Rosalie Lafarge

Sans tomber dans la caricature, la candidate du parti Les Républicains pour la liste Hissons haut la Bretagne dénonce elle aussi les mauvais procès parfois faits aux agriculteurs. En visite chez un petit producteur de beurre de baratte à Ploeuc dans les Côtes-d'Armor, le beurre le Vieux-Bourg, Isabelle Le Callennec préfère mettre l'accent sur les progrès déjà réalisés par les différentes filières. "Nous souhaitons une agriculture qui puisse nourrir, on a la chance d'avoir en Bretagne une industrie agroalimentaire qui fournit des débouchés aux agriculteurs, et nous sommes aussi en soutien des entreprises comme celle-ci, qui permettent à des agriculteurs de vivre et de valoriser leurs produits. Il faut absolument qu'on travaille, en Bretagne, à la valeur ajoutée des produits et au partage de cette valeur entre le producteur, celui qui transforme et celui qui vend". 

Il faut travailler sur la qualité et la quantité". Isabelle Le Callennec

"Il faut travailler sur la qualité, évidemment, et sur la quantité aussi. C'est une richesse pour nous de pouvoir nourrir au-delà de nos frontières. Donc je pense que c'est une profession qui évolue tout le temps, et ce que nous demandent les agriculteurs aujourd'hui, c'est de les aider dans la transformation nécessaire, mais ils veulent produire et ils ont plutôt besoin d'encouragements que d'être stigmatisés et montrés du doigt", explique celle qui est aussi présidente de la fédération LR d'Ille-et-Vilaine. 

Isabelle Le Callennec, candidate pour la liste "Hissons haut la Bretagne" (LR)
Isabelle Le Callennec, candidate pour la liste "Hissons haut la Bretagne" (LR)
© Radio France - Rosalie Lafarge

Mais une partie des Bretons réclament, régulièrement, à travers des manifestations contre la prolifération des algues vertes par exemple, un changement profond. Outre ces candidats, le 20 juin, ils auront aussi la possibilité de choisir le souverainiste Yves Chauvel tête de liste La Bretagne en héritage, David Cabas tête de liste Debout la Bretagne debout la France, Valérie Hamon tête de liste Lutte ouvrière, faire entendre le camp des travailleurs, Kamel Elahiar tête de liste Tous unis contre l'islamophobie, agir pour ne pas subir, ou Christophe Daviet tête de liste Un nôtre monde.

Le Reportage de la rédaction
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Élections régionales 2021 : ce qu'il faut savoir
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Romain Pasquier : "Jean-Yves Le Drian a un poids important en Bretagne, une forme de magistère moral et politique. Après, je pense qu'il ne faut pas surestimer le poids d'un élu dans l'orientation des votes."

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