En Chine, la politique zéro Covid provoque une inquiétante augmentation du chômage

Les ventes au détail de la Chine ont chuté à leur plus bas niveau en plus de deux ans,  selon les données officielles du 16 mai 2022.
Les ventes au détail de la Chine ont chuté à leur plus bas niveau en plus de deux ans,  selon les données officielles du 16 mai 2022. ©AFP - Hector Retamal
Les ventes au détail de la Chine ont chuté à leur plus bas niveau en plus de deux ans, selon les données officielles du 16 mai 2022. ©AFP - Hector Retamal
Les ventes au détail de la Chine ont chuté à leur plus bas niveau en plus de deux ans, selon les données officielles du 16 mai 2022. ©AFP - Hector Retamal
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C’est l’une des conséquences de la reprise d’épidémie de Covid : le pays est menacé par une forte montée du chômage. À cause des restrictions sanitaires, l’activité tourne au ralenti et de nombreux Chinois sont en train de perdre leur travail.

Des centres commerciaux fermés pendant de longues semaines, des gares vides et des chaînes de production arrêtées dans les usines : dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le taux de chômage du mois d’avril soit tombé il y a quelques jours en Chine. Il s’est établi à 6,1%, tout proche du record de 6,2% de février 2020, au plus fort de l’épidémie. Les restrictions sanitaires dictées par la stratégie zéro Covid ont sérieusement grippé l’usine du monde. Empêchées de travailler dans des conditions normales,  les entreprises licencient, comme à Shenzhen, où cet ouvrier, qui a voulu rester anonyme, a perdu son travail dans une usine de GPS. Et il est loin d’être  le seul.

"J'ai l'impression que cette année ressemble à 2008, au moment de la crise financière. Je travaillais dans un entrepôt, nous étions 4, et maintenant moi et un autre collègue, on a été virés. Le 30 avril, le patron a renvoyé presque 30 employés dans les ateliers qui faisaient travailler 80 personnes. Avec la situation sanitaire, il y a très peu de commandes, alors l’usine n’a pas besoin de tous ses employés. Sur La même période l’année dernière, nous étions très occupés avec beaucoup de clients. Maintenant c’est très difficile de retrouver du travail, surtout dans les petites usines qui n’ont pas de commandes. Pour trouver une place, il faut viser les usines de plus de 1 000 salariés."

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Désemparés, beaucoup de chefs d’entreprise n’ont pas d’autres choix que de licencier. C’est le cas de cet homme d’affaires qui possède plusieurs salles de cinémas dans le sud de la Chine. « 50% des salles de cinéma sont fermées en Chine, les distributeurs ne produisent plus de films. Cela représente une perte mortelle pour notre secteur. Mes affaires ont du mal à fonctionner,  je risque de faire faillite. Comment je vais pouvoir nourrir mes employés dans les 10 cinémas où j’ai investi ? En temps normal, il y avait une vingtaine d’employés dans chaque salle. Désormais, il n’en reste que quelques-uns par salle de cinéma. »

Un livreur attend devant un établissement fermé pour les services de restauration à Pékin, en Chine, le 18 mai 2022.
Un livreur attend devant un établissement fermé pour les services de restauration à Pékin, en Chine, le 18 mai 2022.
© Maxppp - EPA/MARQUE R. Cristino

Menace sociale

Le chômage touche les secteurs les plus impactés par les restrictions sanitaires comme la production dans les nouvelles technologies, mais aussi le commerce de détail, la restauration et les transports. Tout cela avec un risque évident sur le plan social, explique Marie Françoise Renard, économiste et spécialiste de la Chine : "C’est dangereux socialement dans la mesure où la légitimité du gouvernement tient à sa capacité à améliorer la situation des Chinois. Et si aujourd’hui, c’est remis en question et notamment auprès des jeunes, on peut voir se développer un ressentiment vis-à-vis de cette politique. C’est un soucis du gouvernement de maintenir l’emploi pour ne pas avoir de troubles sociaux__. C’est un sujet qui est central dans les préoccupations du gouvernement."

Mesures annoncées pour sauver l'emploi

Preuve que la montée du chômage inquiète le régime communiste, fait très rare, le Premier ministre Li Keqiang s’est exprimé sur le sujet à trois reprises depuis la fin du mois d’avril, avec l’annonce de mesures fortes. « Le ministère des ressources humaines et de la sécurité sociale a annoncé des dispositifs pour soutenir l’emploi », explique Julie Laulusa, directrice générale du cabinet d’audit Mazars à Shanghai. « Il y a une réduction de 50% du taux de cotisation de l’assurance chômage. Le dispositif permet également aux entreprises de retarder le paiement des charges sociales pendant un an. La troisième mesure consiste à accorder aux entreprises des subventions de formation et enfin, le paiement de l’assurance chômage pour les sans-emploi va été prorogé pendant un an. »

Et les chiffres officiels du chômage masquent une partie de la réalité. Ils ne comptabilisent pas en effet les travailleurs migrants qui sont plus de 130 millions en Chine et qui ont été particulièrement touchés par les restrictions sanitaires. C’est le cas de ce couple à Canton. "Cela fait 5 jours que je suis arrivée à Canton. Je suis venu ici parce que mon mari est au chômage. Son usine a licencié la plupart des travailleurs, même les employés avec une grande expérience de plus de 7 ans. Je ne sais pas pourquoi le patron a viré tellement de travailleurs. Avant c’était facile de trouver un boulot dans une usine, on pouvait gagner facilement au moins 4 000 yuans par mois, mais à cause de l’épidémie maintenant de nombreuses usines ferment et licencient."

Sans travail dans les grandes villes comme Shanghai ou Canton, beaucoup de ces travailleurs migrants ont décidé de revenir dans leurs régions natales et se retrouvent  souvent sans ressources. Le gouvernement lui table sur une reprise de la consommation  après la levée des confinements avec une baisse mécanique du taux de chômage. Il maintient son objectif de créer cette année 11 millions d’emplois, mais sans dire combien la crise sanitaire en aura détruits.

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