Le 2 août 1990, à la surprise générale, l'Irak envahit son voisin, le Koweït, qu'il accuse de lui voler du pétrole. Le point de départ de la guerre du Golfe, aux conséquences vertigineuses pour tout le Proche-Orient.
En ce 2 août 1990, juillettistes et aoûtiens se croisent sur les routes de France. Dans les rédactions, c'est la stupeur lorsque la nouvelle tombe sur les fils des agences de presse. L'Irak de Saddam Hussein vient d'envahir le Koweït, minuscule État voisin, mais très gros producteur de pétrole. "Une surprise totale sur le moment", se souvient le journaliste Pierre Prier. "Une invasion très rapide, brutale, avec de gros moyens militaires, avions, hélicoptères, commandos qui ont défait la petite armée koweïtienne qui ne s'y attendait pas".
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Cependant, temporise-t-il, "si on regarde en arrière, la tension montait". La cause directe : l'accusation de Saddam Hussein qui affirme que le Koweït le vole en puisant du pétrole dans le sous-sol irakien, en creusant des puits à l'oblique sous la frontière.
L'Irak a toujours considéré le Koweït, ancienne province ottomane placée sous protectorat britannique, comme une des ses provinces. Son indépendance lui a coupé l'accès à la mer. Mais il ne faut pas négliger les causes indirectes, rappelle Pierre Prier : une surproduction de pétrole par le Koweït qui fait alors tomber le prix du baril, "ce qui était dramatique pour l'économie irakienne." Mais surtout, reprend ce spécialiste du Proche-Orient, "Saddam Hussein était furieux contre le Koweït, qu'il avait défendu pendant la guerre Iran-Irak, comme l'Arabie saoudite en faisant rempart contre l'Iran, leur ennemi juré. Le Koweït avait prêté de l'argent à l'Irak, aux alentours de 60 milliards de dollars et exigeait le remboursement de cette dette. L'Irak, estimant avoir payé le prix du sang, avec des millions de morts pour les défendre, refusait de rembourser."
Tempête du désert en approche
Le 2 août 1990, il ne faut qu'une poignée d'heures à l'armée de Saddam Hussein pour occuper le pays : l'émir s'enfuit, un gouvernement fantoche est mis en place. La condamnation internationale est massive.
Première erreur stratégique de Saddam Hussein qui n'imaginait pas que les pays occidentaux qui l'avaient tant soutenu pendant sa croisade contre l’Iran puissent lui tourner le dos. Les pays membres de l'OTAN et les États-Unis lancent un ultimatum.
Mi-janvier 1991, l'opération Tempête du désert commence. Depuis les bases que l'Arabie saoudite - la gardienne des lieux saints - a mis à sa disposition, la coalition menée par les États-Unis entre en action.
Face à l'armée de Saddam - que l'on considère alors comme la 4e armée du monde - et son demi-million de soldats, 34 pays alignent plus de 938 000 hommes. L'arrivée des troupes américaines sur le sol saoudien - avec ces femmes en uniforme au volant de leurs Jeeps, dans ce royaume si rigoriste - provoque également une onde de choc à travers le monde musulman, scandalisé.
La guerre, elle, est présentée alors massivement auprès des opinions publiques occidentales comme juste, légitime, une "guerre propre", avec ses "frappes chirurgicales". Elle s'affiche en continu sur les écrans de télévisions, rappelle Didier Billion, directeur adjoint de l'IRIS, l'Institut de relations internationales et stratégiques. "C'est probablement la première fois dans l'histoire de la guerre et dans l'histoire des médias que l'on peut assister quasi en direct à des bombardements, se souvient-il. On voyait une sorte de halo verdâtre : des frappes sur des objectifs stratégiques contre l'Irak." C'est aussi, note-t-il, "le début du défilé des pseudo-experts qui livraient de doctes commentaires sur ces frappes dites chirurgicales, mais qui, évidemment, avaient des conséquences pour la population civile".
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Les États-Unis n'ont de toute façon pas privilégié les options diplomatiques, note Didier Billion. "Il fallait mettre à genoux l'Irak, qui incarnait le nationalisme arabe." Sur les téléviseurs tournent alors les traînées vertes des missiles Scud tirés sur Tel-Aviv, les fumées des champs de pétrole en feu au Koweït. Mais les images de cette première guerre du Golfe ont vite été balayées par ses conséquences vertigineuses. Quelques semaines à peine ont certes suffit pour repousser les troupes irakiennes et libérer le pays. Mais elles ne sont que les prémisses d'une situation explosive qui perdure aujourd'hui.
Hyperpuissance américaine et implosion du monde arabe
Le contexte est particulier : alors que l'URSS est en train de se disloquer, les années qui suivent vont permettre aux États-Unis - dirigés par George Bush père - de s'affirmer comme l'hyperpuissance majeure. "Ils incarnent ce que l'on a alors nommé - bien mal - 'le nouvel ordre mondial'. Pendant une dizaine d'années, rien ne se fera dans cette région sans l'acquiescement des États-Unis."
Autre conséquence : la fragmentation du monde arabe. Unanime - à l'exception de la Syrie - dans son soutien à l'Irak pendant sa guerre face à l'Iran, il se divise. "Certains États arabes vont soutenir ardemment les États-Unis contre Saddam Hussein, constate également Pierre Prier : c'est notamment le cas des monarchies arabes du Golfe, alors que bien d'autres, au contraire, vont s'opposer à cette intervention armée."
Un pays martyr
Plus de dix ans plus tard, affirmant que Saddam Hussein possède et dissimule des armes de destruction massive, les États-Unis entrent en guerre contre l'Irak. C'est, en 2003, la seconde guerre du Golfe, "la mise en œuvre de la politique unilatéraliste des néoconservateurs" analyse Didier Billion. "C'est la chute de Saddam Hussein, et la création d'un contexte qui a permis quelques temps plus tard l'arrivée de Daesh".
Un Irakien ou une Irakienne de 40 ans n'a jamais connu que la guerre, la violence, l'occupation et le terrorisme. Et l'Irak - pays martyr qui paie les erreurs de Saddam Hussein et la volonté des États-Unis d'en découdre - n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été.
Le coût financier des guerres d'Irak est incalculable : des centaines de milliards de dollars. Les pertes humaines directes s'élèvent à plus de 230 000 morts.
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