Européennes : l'Estonie craint la cybermenace russe

Rencontre au Kremlin entre le Président russe Vladimir Poutine et la Présidente estonienne Kersti Kaljulaid, à Moscou le 18 avril 2019
Rencontre au Kremlin entre le Président russe Vladimir Poutine et la Présidente estonienne Kersti Kaljulaid, à Moscou le 18 avril 2019  ©AFP - Alexander Nemenov
Rencontre au Kremlin entre le Président russe Vladimir Poutine et la Présidente estonienne Kersti Kaljulaid, à Moscou le 18 avril 2019 ©AFP - Alexander Nemenov
Rencontre au Kremlin entre le Président russe Vladimir Poutine et la Présidente estonienne Kersti Kaljulaid, à Moscou le 18 avril 2019 ©AFP - Alexander Nemenov
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Alerte sur les élections européennes : comme les précédents scrutins, en Occident et ailleurs, la prochaine élection des 751 députés européens risque bien de voir sa campagne électorale "polluée" par les ingérences russes. C'est ce qu'affirment les services de renseignements estoniens.

Tallinn : capitale de l'Estonie sur la mer Baltique, l'une des capitales de l'Union européenne les plus au nord et l'une des plus proches de la Russie. Ici, nous sommes à 300 km de Saint-Petersbourg et pour ainsi dire en première ligne dès qu'il s'agit de la menace russe, particulièrement la menace cyber. 

Le pays est le premier à avoir vécu une attaque massive visant tous ses systèmes informatisés, les banques, les administrations, etc. Une attaque venue de Russie. C'était en 2007 : depuis, l'Estonie a musclé sa défense, elle accueille même le Centre d'excellence de l'OTAN en cyber-défense. 

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L'Estonie alerte ses alliés

Et c'est de Tallinn qu'est partie l'alerte : le service de renseignement du pays a publié son rapport annuel début mars. Son évaluation de la menace donnait comme "très probable" une tentative russe pour intervenir dans la campagne des élections européennes. Objectif : envoyer au Parlement de Strasbourg autant d'eurosceptiques et de pro-russes que possible.

Sven Sakkov est le directeur du Centre International pour la Défense et la sécurité de Tallinn. 

Du point de vue de Moscou, une vraie réussite serait que l'élection européenne de mai aboutisse à un Parlement sérieusement fractionné... Et qui, en fait, ne serait pas en mesure de fonctionner. Par exemple, en facilitant l'élection de nombreux populistes, sur qui les groupes politiques traditionnels ne pourront exercer le moindre contrôle... Je crois que c'est bien à cela qu'ils travaillent.

Dans son rapport, le renseignement estonien évoque bien les quelques députés européens déjà sous la coupe de Moscou, souvent des nationalistes, allemand, tchèques ou lettons mais aussi quelques communistes ou membres des Verts. Il indique surtout quels sont les objectifs de Moscou.

Selon Sven Sakko : "Le rapport annuel du service de renseignement extérieur estonien évoque comment les plus grands pays européens pourraient être visés en priorité, simplement parce qu'ils disposent au Parlement européen de davantage de sièges... L'évaluation du service de renseignement : c'est qu'ils viseront surtout l'Allemagne, la France et l'Italie".

Des attaques pour influencer les électeurs

Concrètement, une attaque ne viserait probablement pas tant les systèmes de gestion que les électorats eux-mêmes, c'est en tout cas ce que redoute Tömu Tammer, le directeur du centre chargé de la sécurité Informatique en Estonie.

Si on regarde les scrutins récents : aux Etats-Unis en 2016, en France et en Allemagne en 2017, la manière dont certains acteurs étrangers sont intervenus dans les processus électoraux, ça n'a pas été de s'attaquer directement aux mécanismes de vote. Ils ont été plus subtils, en passant par les réseaux sociaux, avec des fake news, etc. Vue la manière dont les derniers scrutins ont été influencés, je suggérerais donc de surveiller avant tout les réseaux sociaux et en général tout ce qui peut permettre d'influer sur l'état d'esprit des gens... En fait, toutes les méthodes de propagande.

Une Commission transatlantique pour répondre aux ingérences

En matière de "guerre de l'information", la Russie a acquis ses lettres de noblesse il y a déjà longtemps, remarque Fabrice Pothier, le porte-parole de la Commission transatlantique pour l'intégrité électorale, une initiative américano-européenne, basée à Copenhague et qui surveille étroitement toutes les tentatives d'ingérence dans les scrutins électoraux.

La Commission a identifié des ingérences souvent russes dans les scrutins mexicain, suédois ou encore en Macédoine récemment. Pour ce qui est de la campagne des européennes toutefois, le risque d'ingérence est paradoxalement moins important aujourd'hui, d'après Fabrice Pothier. 

La Commission transatlantique a d'ailleurs rédigé une charte stipulant quelques règles de bonne conduite, que les candidats peuvent signer, s'engageant par exemple à ne pas relayer de fake news ou à une transparence complète sur le financement de leur campagne. 

Pour le moment, quelques 150 candidats aux européennes ont d'ores et déjà signé cette charte. Parmi eux, un seul Français : la centriste Nathalie Griesbec.