

La Moldavie est tiraillée entre une majorité de sa population qui souhaite adhérer un jour à l'Union européenne et ceux qui se sentent toujours proches de Moscou. Ce petit pays craint la répétition du scénario ukrainien.
La Moldavie est un petit pays de 2,6 millions d’habitants, l’un des plus pauvres d’Europe, à forte immigration, situé entre l’Ukraine et la Roumanie. La Moldavie, ex république soviétique, toujours membre de la CEI, a déposé il y a dix jours, sa demande d’adhésion à l’Union européenne, un espoir fort pour une majorité de la population. Mais cet affranchissement progressif de Moscou depuis plusieurs années vaut à la Moldavie des mesures de rétorsion régulières et l’on craint à Chisinau, la capitale, que le scénario ukrainien ne se répète ici avec le cheval de Troie de la Transnistrie.

Le 24 février dernier, à 5h du matin, Daniella et ses enfants sont réveillés par les bruits des bombardements sur Odessa :
J’étais la première qui a entendu les bombardements, et la première chose que j’ai fait était de rassembler dans un sac les documents importants.
Je m'appelle Stéphane, j'ai 16 ans. Vous savez, moi aussi j'ai entendu ces bombardements Immédiatement je me suis dit que dans peu de temps, il faudrait partir et changer de vie.
Vadim, le père, a déjà prévu plusieurs scénarios pour quitter le pays :
On a la preuve que ce dictateur russe, parce que je ne veux pas le nommer autrement, on ne peut pas lui faire confiance. On ne sait pas ce qu’il va faire après. La situation est tellement instable et incertaine. On ne peut pas deviner de quoi demain sera fait.
La Moldavie, sous pression russe
La Moldavie est sur une ligne de fracture, entre une majorité aspirant à devenir membres de l’UE et les russophones souhaitant rester dans le giron de Moscou. A chaque velléité de s’affranchir de son ancienne tutelle soviétique, la Moldavie a reçu des pressions. En octobre dernier, Gazprom a augmenté de 40 % ses tarifs en pleine crise énergétique. Une affaire commerciale, répond le Kremlin, accusé de vouloir ainsi punir la nouvelle présidente moldave anti-corruption. Pour la première fois depuis 1991, la Moldavie achète en quantité du gaz à un autre pays, la Pologne. Cette tension énergétique est permanente, confirme Vadim :
L’an dernier, on payait 60 euros par mois, pour toute notre consommation de gaz. Cette année, on est passé à 120 euros.
En 2005 et 2014, la Moldavie signe des accords de libre échange avec l’Union européenne. Depuis, Moscou joue régulièrement sur les droits de douanes et les normes sanitaires pour ouvrir ou fermer son marché aux vins et aux fruits. Ces embargos ont permis de moderniser et de s’ouvrir à d’autres marchés veut croire Lourie Fala, directeur exécutif de Moldova Fruct qui accompagne 300 producteurs. Il suit sur sa carte, inquiet, les détours que doivent faire les camions pour fournir la Russie, le Kazakhstan ou la Biélorussie :
Tout le secteur est secoué actuellement. On est décontenancé car sur les 220 000 tonnes de pommes annuellement produites, 210 000 sont exportées vers la Fédération de Russie. C’est notre principal marché, à plus de 95%. On est inquiets pour nos stocks mais aussi sur ce qu’on va pouvoir exporter la saison prochaine.

Les images de guerre en Ukraine ravivent des souvenirs douloureux quand il y a trente ans la Transnistrie s’engageait dans une guerre de sécession. La petite République autoproclamée a conservé l’ancien drapeau soviétique moldave avec la faucille et le marteau. La zone tampon est gardée par des soldats moldaves et russes très présents dans ce petit bout de terre stratégique à quelques kilomètres d’Odessa. L’armée russe y a accumulé munitions, soldats et réservistes transnistriens. Les Moldaves craignent que Moscou s’arrogent ces terres.
Oleg Serebrian est vice-ministre en charge de ce dossier :
Je ne vois pas de danger imminent venant de la région de Transnistrie. On doit agir avec précaution. Il y a l'armée russe qui stationne là-bas et le comportement de cette armée russe reste à voir. Comment il va agir quand les troupes russes vont approcher Odessa ? Mais pour l'instant, la situation est calme.
Cette neutralité de la Moldavie inscrite dans sa Constitution paralyse aussi, dénonce le diplomate et ancien parlementaire Igor Munteanu :
Malheureusement, la Moldavie est aujourd'hui sous le contrôle total d'un parti au pouvoir, le Pass, qui estime que la première priorité du pays est de garder son calme, pas de contester les plans russes. Il est plus enclin à employer la méthode douce. Dans une certaine mesure, ce qui se passe actuellement en Moldavie suit la stratégie d'adaptation de la Géorgie soit ne pas faire de gestes brusques et peut-être que le mal ou le danger passera au-dessus de nous. Ce n’est pas un bon signal de Chisinau.

La Moldavie est sur une ligne de crête, l’examen de sa demande d’adhésion à l’Union europénne prendra du temps. Un temps qui n’est pas celui du conflit.

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