

Les négociations sur le Brexit sont bloquées à cause de la question de la frontière irlandaise. Qu'en pensent les Nord Irlandais ? Reportage d'Antoine Giniaux dans le quartier protestant de Belfast.
Il n’y aura pas d’accord sur le Brexit ! Du moins pas aujourd’hui, ni demain. La Première ministre britannique était censée prendre la parole ce soir devant les représentants des 27, réunis pour un dîner. Elle devait annoncer des progrès dans les négociations mais tout est bloqué à cause de la question de la frontière irlandaise. Michel Barnier, qui négocie au nom de l’Union européenne, veut encore y croire. Il propose d’allonger la période de transition jusqu’en 2021, si Londres donne des garanties sur la gestion de la frontière irlandaise. Pour éviter de reconstruire des postes de douanes au milieu de l’île, Bruxelles propose de laisser les Nord Irlandais dans l’union douanière. Mais cette solution, qui les séparerait du reste du Royaume Uni, est totalement inacceptable pour les unionistes.
Reportage dans le quartier protestant de Belfast d'Antoine Giniaux.

Impossible de rater le drapeau britannique dans le quartier unioniste de Shankill Road : il flotte sur toutes les vitrines. Pour les commerçants de cet endroit, Londres est la maison mère. Pour Margaret, pas question de s’en détacher :
Nous sommes Britanniques et on veut le rester ! On veut conserver une union avec la Grande-Bretagne. Et nous ne voulons pas voir de frontière au milieu de la mer d’Irlande. Il est très important de rester dans le marché britannique, parce qu’ici on produit beaucoup de lait et de viande, notamment du bœuf !
Et ce n’est pas rien. La viande de bœuf produite en Irlande du Nord a rapporté l’an dernier plus de 2 milliards et demi d’euros à l’export. Un record établi grâce au marché britannique, explique Sam Glenn, boucher et négociant :
Nous achetons et nous vendons des bœufs qui viennent de République d’Irlande, d’autres qui viennent d’ici, d’autres qui viennent du Royaume Uni. Une frontière maritime, cela ne peut pas fonctionner ! On serait face à plein d’entreprises à l’extérieur de l’Union européenne, qui cherchent elles aussi à vendre du bœuf au Royaume-Uni, comme le Brésil, l'Argentine, ou l'Uruguay.
Les unionistes du parti DUP dénoncent ce risque de concurrence, d’isolement de l’Irlande du Nord. Même si Theresa May a promis de conserver l’intégrité du Royaume-Uni, le directeur politique de la formation met en garde la Première ministre. Lee Reynolds redoute une trahison :
Si le reste du Royaume-Uni sort de l’Union européenne, et pas nous, en fait, ce n’est pas un « statut spécial » ! On nous enlève notre pays, on nous prive de notre marché économique intérieur, qui est pour nous le plus important, économiquement. On nous a raconté des mensonges ! On a convenu avec Theresa May qu’on aurait une politique commune au sujet du Brexit. Alors si elle change d’avis, elle perdra sa majorité au Parlement. On le dit très clairement.
Car sans les unionistes, Theresa May n’aurait pas suffisamment de voix au Parlement. Son gouvernement pourrait s’écrouler. Face à cette perspective de chaos, quelques chefs d’entreprise essaient de limiter la casse et les effets du Brexit
A Newry, à 10 mètres de le frontière avec la République d’Irlande, Paddy Hughes, a fondé il y a dix ans une entreprise qui envoie des compléments alimentaires pour les chevaux dans le monde entier, dans 38 pays au total.

Tout ce chargement part en Suède. Et la seule démarche administrative dont on a besoin, c’est une liste des produits. Alors que pour le Moyen-Orient, il faut des inspections vétérinaires, des tampons de l’ambassade, des tampons des chambres de commerce. Cela nous coûte entre 1 400 et 1 600 euros. Alors, après le Brexit, on ne sait pas ce qui va se passer, mais on pourrait avoir aussi à payer autour de 1 400 euros pour envoyer une palette vers la Suède, en fonction des formalités. Cela pourrait coûter beaucoup d’argent.
Il faut donc éviter a tous prix une sortie de l’Union européenne sans accord commercial, explique Conor Patterson, responsable de la pépinière d’entreprises de Newry. Pour éviter le retour d’une frontière, terrestre ou maritime, il veut confier une partie du travail des douaniers, aux entreprises :
D’abord, il faut regarder quels produits présentent un risque, comme la nourriture, la viande, et le soja. Ensuite, la majeure partie des échanges commerciaux en mer d’Irlande se concentre entre les mains de très grandes compagnies, qui emploient des milliers de personnes. Tesco, Sainsburry’s, Marks and Spencer’s : ce sont elles les entreprises dites « de confiance » , on fait confiance à leur réputation. Donc, ils peuvent tout a fait trier les produits, mettre d’un côté ceux qui sont conformes aux normes, pour faciliter les contrôles. Et même si c’est un problème à court terme d’organiser cela dans les ports britanniques, on peut le faire à bord des ferrys.
Cette idée, a déjà été lancée par l’équipe de négociateurs de Michel Barnier. Elle n’a pas abouti pour l’instant. A moins de six mois du Brexit, les solutions restent à inventer.
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