Clap de fin pour le billet de 500 : la plus grosse coupure en euros ne sera plus émise par les banques centrales à partir du 27 janvier 2019. La BCE a décidé de le retirer car il était devenu le billet de tous les trafics, du blanchiment et du financement du crime organisé.
- Mathieu Delahousse Président et co-fondateur de la société Secoya
C'est l'un des plus gros billets au monde mais son usage est quasiment impossible dans la vie quotidienne. Introuvable au distributeur, refusée par la plupart des commerçants, la coupure de 500 euros a en revanche été adoptée par le crime organisé. Peu encombrant, il permet de transporter beaucoup d'argent dans des petits volumes : le Ben Laden (comme il est surnommé) alimente l'économie souterraine et facilite le blanchiment.
La Banque centrale européenne a fini par siffler la fin de la récré en annonçant en 2016 son retrait. A partir du 27 janvier 2019 (26 avril en Allemagne et Autriche), chaque banque centrale nationale cessera de l'émettre et au fil des années, le billet de 500 est donc appelé à disparaître.
Voulu par les Allemands et adopté par le crime organisé
Le billet de 500 euros est une très grosse coupure avec très peu d'équivalents dans le monde. En France, auparavant, la palme revenait au "Pascal", le billet de 500 francs, qui valait six fois moins. Ailleurs, le billet violet n'a quasiment qu'un seul rival : la coupure de 1 000 francs suisses (qui vaut environ 890 euros) mais que l'on trouve tout de même beaucoup moins facilement.
Le billet de 500 euros a été créé car l'Allemagne le souhaitait afin d'avoir l'équivalent du billet de 1 000 deutschemarks. Outre-Rhin, la culture du paiement en espèces reste en effet très présente, contrairement aux autres pays européens où le paiement par d'autres moyens a pris de plus en plus de place. En France, il est même illégal de payer un commerçant en liquide au delà de 1 000 euros. Le billet de 500 euros n'étant pas proposé en distributeur et refusé dans la plupart des commerces, son utilité est donc proche de zéro.
Un million d'euros tient dans deux kilos
Mais un secteur y a vu une utilité : le crime organisé. Car ce billet permet de détenir de grandes quantités d'argent dans très peu de volume : une coupure de 500 euros pèse environ 1,2 gramme, ce qui permet de réunir quasiment deux millions d'euros dans un kilo. "Dans les trafics générateurs de grandes quantités de cash, cet avantage est déterminant", explique William Hippert, chef-adjoint de l'Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), "la première opération de dissimulation consiste à convertir les petites coupures en billets de forte valeur qui prennent moins de place et qui sont plus facilement transportables".
Eric Bertrand, chef de l'Office central de répression du faux monnayage (OCRFM), cite un exemple dont il se souvient : "Dans une affaire de trafic de diamants, nous avions saisi deux millions d'euros en coupures de 500 et la somme tenait dans une sacoche d'ordinateur".
Le billet de 500 est ainsi devenu la vedette de tous les trafics : "Le trafic de stupéfiants vient en premier", explique William Hippert, "c'est un 'secteur' qui génère trois à quatre milliards d'euros de chiffre d'affaires chaque année en France et 21 milliards en Europe, dont la moitié pour le cannabis. Et cet argent est échangé en liquide, de façon souterraine".
90% des coupures seraient dans les mains d'organisations malveillantes
Mais le billet de 500 n'est pas seulement le fournisseur officieux du trafic de drogue. On le trouve aussi dans les affaires de fraude fiscale, de blanchiment, de financements illégaux : l'affaire Bettencourt, de la caisse noire de l'UIMM (le syndicat patronal de la métallurgie) ou encore dans l'affaire du financement libyen présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Autant d'affaires sur lesquelles le journaliste Mathieu Delahousse a travaillé. Auteur d'une enquête publiée en 2013 avec Thierry Lévêque, il a consacré une partie de son travail au fameux billet violet : "En enquêtant, nous avons découvert que les services secrets anglais l'avaient surnommé le 'Ben Laden' car on sait qu'il existe et qu'il voyage mais personne ne le voit jamais". En 2010, la police britannique avait même publié une étude dans laquelle elle estimait que 90% des billets de 500 euros étaient dans les mains d'organisations malveillantes.
Le billet de 500 continue d'avoir cours
Il aura fallu attendre 2016 pour que la Banque centrale européenne décide d'arrêter sa production. A l'époque, la BCE se rend à la conclusion que font toutes les polices du continent et décide enfin de stopper l'émission de ce billet à partir de 2019. Mais la coupure violette conserve sa valeur légale : il reste possible de l'échanger et de l'utiliser. Son nombre devrait toutefois peu à peu se réduire : à chaque fois que l'une des 19 banques centrales nationales en récupérera, ces billets seront retirés du circuit et détruits.
Une demi-mesure pour Mathieu Delahousse :
Cette décision est salutaire mais elle est incomplète car le billet continue d'être utilisable. Le vrai défi, si on avait voulu vider ce billet de l'économie, aurait été de fixer une date à partir de laquelle le billet perdait sa valeur. Pour obliger les gens, et les trafiquants, à le rendre. C'est une mesure qui ne permet pas d'éradiquer cette caisse noire mondiale qu'est devenu le billet de 500 euros.
D'après les derniers chiffres de la BCE, fin octobre 2018, le billet de 500 euros représentait 2,4% du nombre de billets mais 21,3% de la valeur monétaire en circulation.
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