

Début décembre, le parquet de Paris a ouvert une enquête après la diffusion d'un texte polémique signé par un collectif pro police. Une affaire qui pose la question de la représentativité des policiers, alors que depuis 2012 se multiplient les associations policières "extrasyndicales".
Début décembre, le parquet de Paris ouvrait une enquête pour "provocation à des atteintes à l'intégrité des personnes" après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un texte signé par le collectif "Hors service". En plein mouvement contre la loi sécurité globale, le texte appelait les policiers à user de leurs armes à feu pour se défendre face à ceux qui étaient qualifiés de “miliciens d’extrême gauche”. « Face aux bombes, face aux mortiers, face aux cocktails molotov, face aux marteaux et aux pavés, fini le LBD/Ouvrons le feu ! », concluait le collectif.
Des mots violents, un début de polémique, et l’ouverture d’une enquête donc, contre ce collectif qui, aussi informel soit-il, pose la question de la représentativité des policiers. Car depuis plusieurs années, les associations de défense de policiers dites "extra-syndicales", se multiplient.
Un sentiment anti-syndicat
Hors service prétend rassembler 5000 sympathisants et affiche en tout cas 18 000 abonnés sur leur page Facebook. Difficile d’en savoir réellement plus sur cette association, même si le ou les membres fondateurs sont généralement présentés comme des policiers en détachement.
Le collectif est discret, voire méfiant vis-à-vis des journalistes. Hors service développe globalement une rhétorique anti système qui s'applique au monde médiatique, politique... et surtout syndical. Sous couvert d'anonymat, l'un des porte-paroles du collectif témoigne : "Les policiers sont syndiqués par obligation mais ils en ont rien à faire des politiciens qui les représentent". Avant d'ajouter, "même s'il faut faire la part des choses : il y a des syndicats minoritaires qui font très bien leur travail. Ou bien des délégués syndicaux, même dans les syndicats majoritaires, qui tentent de faire ce qu'ils peuvent avec ce qu'on leur donne. Mais globalement, le système est complétement pourri__".
Ce discours est en fait à l'image des différentes associations de défense de policiers qui ont commencé à émerger à partir de 2012, avec les manifestations spontanées de policiers visant à défendre un collègue mis en examen pour homicide volontaire. "Policiers en colère", "Collectif libre et indépendant de la police"... ces organisations nourrissent un discours plus ou moins radical, et plus ou moins hostile aux institutions — mais toutes se présentent comme "extrasyndicales".
"Totalement borderline"
"On va pas se mentir ces associations sont totalement borderlines", reconnaît Michel Thooris, secrétaire général du syndicat minoritaire France Police - Policiers en colère, proche de ces associations.
"Elles ne rentrent pas dans le jeu du dialogue social, donc elles peuvent avoir une communication extrêmement percutante", analyse le syndicaliste. "Contrairement à une structure comme la notre qui doit rester attentive à respecter à la lettre la liberté d'expression sans en déborder, pour ne pas risquer la dissolution ou des ennuis sur le plan personnel".
Des risques de débordement ?
Faut-il alors craindre des débordements ? Que ces associations aillent trop loin ? C'est en tout cas un des dangers que représentent ces structures, selon Grégory Joron, secrétaire général délégué du syndicat Unité SGP Police-Force Ouvrière : "Moi je n'ai pas pour habitude de mener des actions pour fragiliser administrativement les fonctionnaires de police ou les envoyer en discipline. Si ce n'est pas cadré, il y a un risque. Par exemple, si des collègues vont un peu trop loin en étant en tenue, ou en usant du matériel de service", détaille-t-il. "Ok pour l'action, mais on doit la maîtriser".
Ces associations pourraient-elles alors prendre de court les syndicats et les déborder ? A priori non, répond Benjamin Pabion, auteur d'une thèse sur le syndicalisme policier. Selon lui, les puissants syndicats policiers, ont eux la possibilité de "canaliser la colère" de la base, et de l'orienter pour créer un mouvement de revendication constructif.
La participation aux élections professionnelles reste d'ailleurs massive, et le taux d'adhésion syndical "d'environ 70%", défend Benjamin Pabion. Il reconnaît toutefois un réel pouvoir à ces associations parfois provocatrices : elles influencent le discours des syndicats.
"La grande réussite de ces collectif à mon sens, c'est d'avoir mis à l'agenda leurs problématiques", analyse-t-il. "Le syndicat Alliance par exemple, travaille beaucoup sur la thématique de la haine anti flic. C'est une thématique très générale, qui s'éloigne des revendications classiques : on ne peut pas aller voir son ministre en lui demandant de mettre fin immédiatement à la haine anti flic, ce n'est pas matériel ou concret".
En partie sous l'impulsion de ces associations, on serait donc passé d'un discours corporatiste portant exclusivement sur les conditions de travail, à un discours plus politique qui porte sur la place de la police dans la société. Il conclut : "ces collectifs inscrivent leur colère policière à l'agenda syndical"
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