Municipales à Lille : le bastion socialiste va-t-il céder ?

Aux mains des socialistes depuis 1955, la mairie de Lille pourrait bien changer de camp en 2020
Aux mains des socialistes depuis 1955, la mairie de Lille pourrait bien changer de camp en 2020 ©Radio France - Rosalie Lafarge
Aux mains des socialistes depuis 1955, la mairie de Lille pourrait bien changer de camp en 2020 ©Radio France - Rosalie Lafarge
Aux mains des socialistes depuis 1955, la mairie de Lille pourrait bien changer de camp en 2020 ©Radio France - Rosalie Lafarge
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À quatre mois des municipales, les cartes semblent plus rebattues que jamais à Lille. Entre trahison, alliances et divisions, la campagne prend des airs de série télé avec un personnage principal en toile de fond : Martine Aubry.

France Culture poursuit son tour de France pour les municipales. Après Lyon et Rouen, le reportage de la rédaction nous emmène à Lille. La capitale des Flandres est détenue par les socialistes depuis 1955, mais avec un PS en berne et un paysage politique chamboulé, rien n’est gagné pour 2020. 

Et cette fois-ci, ils sont nombreux à croire en leurs chances. A commencer par l’ancienne directrice de cabinet de Martine Aubry, Violette Spillebout. C’est elle qui a décroché l’investiture de La République En Marche, et cette ancienne très proche de la maire de Lille fait donc maintenant campagne contre elle, à la tête d'une liste baptisée "Faire respirer Lille"

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La "trahison" de Violette Spillebout

"Je me positionne d’abord dans le respect d’une personnalité qui s’est beaucoup consacrée à sa ville pendant plus de vingt ans", précise d’emblée la candidate. "Mais c’est un mandat qui est à bout de souffle, on sent depuis six, sept ans, qu’il y a un épuisement d’un certain nombre de politiques publiques et qu’il faut du renouveau", poursuit Violette Spillebout, qui se refuse à commenter les accusations de "vengeance", "revanche", ou "trahison", dont elle est la cible. 

Certains romancent un peu l'histoire, ce n'est pas grave". Violette Spillebout, LREM

"Certains romancent un peu l’histoire, ce n’est pas grave. Ce qui est important, c’est que je reste chevillée avec mon ADN qui est vraiment de servir les habitants de ma ville", poursuit celle qui enchaîne les réunions, les soirées de porte-à-porte et les rencontres avec les Lillois. Mais son investiture est loin de faire l’unanimité. Même au sein de son propre camp. Longtemps, la députée du Nord, Valérie Petit, proche du ministre Gérald Darmanin, a fait figure de favorite. Et pour elle, comme pour certains marcheurs, le choix de Violette Spillebout acte la perte de Lille pour le parti présidentiel. 

Violette Spillebout, ancienne directrice de cabinet de Martine Aubry, est la candidate LREM à la mairie de Lille
Violette Spillebout, ancienne directrice de cabinet de Martine Aubry, est la candidate LREM à la mairie de Lille
© Radio France - Rosalie Lafarge

La division à droite

À droite non plus, ce n’est pas simple. Chez les LR, on a choisi de faire confiance à Marc-Philippe Daubresse. Mais l’ancien ministre du logement de Jacques Chirac était encore, il y a deux ans, maire de la commune voisine de Lambersart. "Parachutage", dénonce la droite lilloise emmenée par le conseiller municipal d’opposition et candidat, Thierry Pauchet. "Nous sommes Lillois, nous connaissons cette ville. Marc-Philippe Daubresse ne connaît pas Lille, c’est la grande différence entre lui et nous. Je ne dis pas qu’il ne pourrait pas nous apporter son expérience, de la métropole par exemple, puisqu’il doit y avoir une dimension métropolitaine dans notre projet. Mais il ne connaît pas la ville".  

Marc-Philippe Daubresse ne connaît pas Lille". Thierry Pauchet, divers droite

Thierry Pauchet, candidat divers droite aux municipales à Lille
Thierry Pauchet, candidat divers droite aux municipales à Lille
© Radio France - Rosalie Lafarge

"J’ai vécu dans ma vie plus d’années à Lille que madame Aubry, je suis né à Lille, j’ai fait mes études à Lille, j’ai été député du Vieux-Lille, réélu six fois pendant 25 ans, donc franchement parachutage…", répond l’intéressé qui préfère se concentrer sur d’autres cibles. "J’ai un adversaire, que je respecte, c’est madame Aubry", assure Marc-Philippe Daubresse qui pense qu’elle est "à bout de souffle" et qu’aujourd’hui, il est "l’homme de la situation". 

J'ai un adversaire, c'est madame Aubry". Marc-Philippe Daubresse, LR.

Le sénateur Marc-Philippe Daubresse, candidat officiel de Les Républicains
Le sénateur Marc-Philippe Daubresse, candidat officiel de Les Républicains
© Radio France - Rosalie Lafarge

Les stratégies d'alliance

Le seul objectif est de Marc-Philippe Daubresse est donc de battre Martine Aubry. Et il envisage pour cela une alliance avec la candidate En Marche au second tour. Ce que Violette Spillebout ne confirme pas, mais n’infirme pas non plus. Quoi qu’il en soit, tous les candidats pensent aux alliances. Parce qu’ils n’ont finalement qu’une idée en tête : mettre un terme au règne socialiste. 

La mairie est devenue un château fort dont Martine Aubry a avalé la clé". Julien Poix, LFI

"Je pense que si on veut gagner cette ville, et c’est possible, on ne pourra pas le faire seul, chacun dans son coin", reconnaît Julien Poix. A 34 ans, ce professeur d’histoire emmène le collectif "Décidez pour Lille", soutenu par La France Insoumise. "Pour nous, l’objectif au premier tour est de ré-impliquer un maximum d’habitants. Après, il sera temps de voir quelle majorité on construit", précise Julien Poix qui se dit "disponible pour construire une majorité en rupture avec cette espèce de démocratie confisquée qu’on a à Lille où la mairie est devenue un château fort dont Martine Aubry a un peu avalé la clé". 

Julien Poix est à la tête du collectif "Décidez pour Lille", soutenu par La France Insoumise
Julien Poix est à la tête du collectif "Décidez pour Lille", soutenu par La France Insoumise
© Radio France - Rosalie Lafarge

Et si le rose faisait place au vert ?

Cette clé, tous la veulent. Mais les écologistes en sont persuadés : c’est à eux qu’il revient de la prendre. "Le temps des écologistes est venu", insiste le candidat des Verts, Stéphane Baly. "On a pris nos responsabilités depuis trois mandats en participant aux majorités, et comme on arrive à la fin d’un cycle, on souhaite changer de chapitre. De façon très régulière, la ville dépasse les seuils d’alerte en matière de pollution et ce ne sont pas ceux qui ont construit l’impasse qui apporteront la solution", tranche le candidat. 

Le temps des écologistes est venu". Stéphane Baly, EELV

Pour Stéphane Baly, candidat EELV à la mairie de Lille, "le temps des écologistes est venu"
Pour Stéphane Baly, candidat EELV à la mairie de Lille, "le temps des écologistes est venu"
© Radio France - Rosalie Lafarge

bout de souffle", "fin d’un cycle", "fin d’une ère", tous les aspirants à la mairie de Lille (en mettant de côté le Rassemblement National qui n’a pas répondu à France Culture), estiment qu’à 69 ans, Martine Aubry doit rendre son siège. L’actuelle maire de la ville n’est toujours pas officiellement candidate à sa succession, mais contrairement à ce qu’elle avait annoncé, elle se prépare manifestement à rempiler. Et les socialistes promettent de se battre à ses côtés pour ne pas perdre leur bastion du Nord. 

Faux suspense autour de la candidature Aubry

Perdre Lille serait le coup de grâce pour un PS déjà très affaibli. Mais les socialistes du Nord refusent de croire en cette hypothèse. Certes, le parti n'est pas en forme. Certes, le paysage politique a changé. Mais contrairement à ce que certains disent ou pensent, Martine Aubry n'est pas isolée assure Baptiste Ménard, l'animateur fédéral des Jeunes Socialistes du Nord. 

Tous les candidats ne se positionnent que par rapport à Martine Aubry". Baptiste Ménard, Jeunes Socialistes du Nord

Baptiste Ménard, animateur fédéral des Jeunes Socialistes du Nord
Baptiste Ménard, animateur fédéral des Jeunes Socialistes du Nord
© Radio France - Rosalie Lafarge

"A Lille, nous avons encore des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des adjoints, deux sénateurs, souligne Baptiste Ménard, donc il y a des élus, mais aussi des militants à ses côtés. Et il y a encore le soutien des Lillois et des Lilloises, donc je ne crois vraiment pas que Martine Aubry soit isolée. Je constate d'ailleurs que la campagne a commencé de manière un peu particulière parce qu'elle n'a pas encore officialisé sa candidature, mais on voit bien que tous les candidats ne se positionnent que par rapport à Martine Aubry. Je crois que si elle était effectivement isolée, la campagne se déroulerait différemment". 

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