

Après l'assassinat de Samuel Paty le 16 octobre dernier, le corps professoral a été bouleversé. La rentrée de ce lundi 2 novembre est l'occasion de donner la parole à celles et ceux qui enseignent à nos enfants. Témoignage.
C'est dans une résidence pavillonnaire, dans la banlieue ouest de Paris, que vit Christine Guimonnet. Cette professeure d’histoire-géographie enseigne au lycée Camille Pissarro, à Pontoise.
Dans son bureau, au premier étage de sa charmante maison, des milliers de livres, disposés dans un désordre ordonné, cachent intégralement les murs de la pièce. Le fruit de près de trente ans d'activité. Un métier qui sonne comme une vocation pour elle : "J'avais un grand-père Poilu. Je me suis rendu compte que ça aurait été important que je puisse lui poser des questions. Seulement, comme il est décédé alors que j'étais à l'école primaire, je n'en ai pas perçu l'importance", sourit-elle avec émotion.
Une histoire personnelle qui a joué dans sa volonté de devenir professeure d'histoire-géographie. Mais les rencontres qu'elle a faites et les professeurs qui l'ont accompagnée ont également eu un rôle important.
J'étais tellement admirative du travail que faisaient mes professeurs ! J'ai eu d'excellents enseignants. Il y a des noms qui ne s'oublient pas. Ils nous transmettent un savoir, ils nous insufflent une ambition. Il y a des parcours de vie, ils sont tous différents, avec une richesse intellectuelle qui est sans pareille.
Des rencontres qui ont contribué à tracer son chemin sur la voix de l'enseignement, et particulièrement apprendre l'Histoire et la géographie à ses élèves. "C'est une des rares disciplines où l'on peut voyager dans l'espace et dans le temps sans quitter sa chaise, s'amuse-t-elle. J_'essaie de me lever le matin en me disant 'que vais-je apprendre aujourd'hui que je ne sais pas encore ?' On contribue à une circulation des savoirs. C'est-à-dire qu'on apporte des savoirs aux élèves, mais qu'on va aussi apprendre un certain nombre d'éléments. C'est ça qui nous construit. Quand on enseigne, ce n'est pas pour remplir des vases vides. On va aider les élèves à se construire. C'est une manière aussi pour des élèves qui disent 'non ce n'est pas mon histoire', de se retrouver intégrés dedans, puisque l'on ne peut pas étudier l'histoire de tout le monde. Mais les programmes que l'on traite, c'est l'Histoire qui est apprise par tout le monde. Donc on va toujours toujours trouver des passerelles, des interstices pour que tout le monde puisse comprendre qu'on est chacun un petit morceau de l'histoire."_
Pour les élèves qui n'ont pas de patrimoine, le savoir est la seule chose qu'ils vont pouvoir faire fructifier.

Des milliers d'élèves ont côtoyé Christine Guimonnet. La professeure persiste : elle les a tous aimés, "même si certains ont usé d'imagination et d'ingéniosité folle pour se rendre insupportables". Pour elle, la relation professeure-lycéen dépasse la simple notion de transmission de connaissances. "La relation de confiance est primordiale pour que l'on puisse travailler d'une manière qui soit la plus adaptée possible aux besoins de la classe et emmener tout le monde sur les chemins de la connaissance", martèle-t-elle. Un travail pédagogique important, qui a pour ambition de permettre aux élèves de réfléchir par eux-mêmes et d’avoir une opinion libre et éclairée.
L’assassinat de Samuel Paty a évidemment ému Christine Guimonnet et ses collègues, qui appréhendent cette rentrée :
On aborde ce moment avec de l'émotion, de la gravité et une détermination à faire ce métier, à continuer à le faire parce que c'est un métier qui est fantastique. L'objectif de cette rentrée, c'est que ce soit un moment de dignité, que tout le monde comprenne ce qu'il s'est passé, qu'il y ait une perception à la fois immédiate mais aussi sur le plus long terme de ce qui est arrivé à notre collègue assassiné.
Il faut donc expliquer inlassablement que la situation dans laquelle on est, c'est le résultat de tout un processus sur le temps long. C'est là l'intérêt de l'Histoire, de comprendre que les choses ne sont pas figées. Que pour avoir un droit, une liberté, il faut des décennies de combat antérieurs.
Malgré cette triste actualité, Christine Guimonnet et l'ensemble du corps professoral va continuer d'enseigner, comme ils l'ont toujours fait, et toujours avec la même passion.
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