

Le 31 décembre 2019, le bureau de l’OMS à Pékin était informé de l’apparition de cas de "pneumonie inconnue" à Wuhan. Alors que Xi Jinping triomphe d’avoir dominé l’épidémie en Chine, la vie est redevenue presque normale dans la mégapole de 11 millions d’habitants sur les bords du fleuve Yang-Tsé.
Il y a un an, l'OMS à Wuhan vivait les débuts encore non identifiés de la pandémie de Covid-19. Reportage sur place de notre correspondante permanente en Chine, Dominique André, alors que les cicatrices ne sont pas refermées pour les familles endeuillées. Elles attendent l’arrivée de l’équipe internationale de l’OMS prévue au début de l’année prochaine pour enquêter sur l'origine du virus.
Prouver la responsabilité du gouvernement local "quand il a dissimulé l'épidémie au début"
Yang Min est une mère brisée par la mort de son enfant unique. Le 16 janvier 2020, Yuxi, qui a 24 ans, est hospitalisée pour soigner un cancer débutant dont le pronostic est excellent. Le 19 janvier, elle a une forte fièvre, puis tousse, et a de plus en plus mal à respirer. Le 6 février, la jeune femme est emportée par la nouvelle pneumonie. Au nom de sa fille, Yang Min est allée porter plainte contre les autorités locales de Wuhan. Sa plainte a été jugée irrecevable. La police lui a interdit de rencontrer la presse étrangère, elle nous a donné rendez-vous dans un lieu discret.

Avant que ma fille n’aille à l'hôpital, je ne savais rien sur ce virus. On nous disait que les informations du Dr Li Wenliang qui a lancé l’alerte étaient des rumeurs ! A ce moment là, toutes les informations c’était : tout va bien ! Passez le nouvel an chinois tranquillement ! Le maire de la ville a organisé un grand diner. Mon combat, c'est de prouver la responsabilité du gouvernement local quand il a dissimulé l’épidémie au début.
Reconstituer la chronologie n’est pas simple
Les autorités chinoises rappellent que le premier cas d’une pneumonie inconnue a été signalé au sein du système de santé chinois le 27 décembre 2019. Le 31 décembre, l’OMS est informée officiellement et le Quotidien du peuple publie un petit article sur ces pneumonies liées au marché de fruits de mer Huanan de Wuhan. Pourtant, la veille, des médecins qui en parlaient sur les réseaux sociaux, étaient convoqués par la police locale qui les accusait de propager des rumeurs. Wuhan sera coupée du monde le 23 janvier.
Ce chauffeur de taxi se souvient de ces semaines cruciales pendant lesquelles le virus a circulé :
A la fin de l’année dernière, on a entendu parler de l’apparition de ce virus, mais personne n’a été vigilant. J’ai conduit beaucoup de clients à des rassemblements, des diners, des soirées pour le nouvel an. C'est à cause de ces fêtes, de ces rassemblements que le virus s'est transmis rapidement, surtout c'était en hiver dans des endroits fermés.

Le marché de fruits de mer mis en cause toujours fermé
La plupart des 44 premiers cas confirmés à Wuhan étaient, on le sait, des vendeurs ou des manutentionnaires liés au marché Huanan. Un an après, le marché soupçonné d'être le berceau de la pandémie est toujours fermé. Les employés sont partis travailler sur un autre marché de gros où nous sommes allées pour tenter de les rencontrer. Mais à peine arrivées, les gardiens nous ont escortées jusque la sortie, les interviews sont interdites. Autour du marché Huanan, il ne reste aujourd’hui que des marchands de lunettes qui attendent les clients, confie une vendeuse :
Les gens ont encore peur de venir ici, tu sais bien ce qu’il y a eu ! N'est-ce pas ? Là, c'étaient les fruits de mer, maintenant, c'est encore fermé. Dans le futur, on ne sait pas ce que ça va devenir.

"L’épidémie est finie, je ne me fais pas de souci"
Ailleurs dans la ville, la vie a repris car "Il faut bien avancer et gagner de l’argent", résument les familles des victimes.
Wuhan s'est parée de guirlandes pour les fêtes. Des touristes viennent de toute la Chine pour visiter les sites et les musées qui sont gratuits jusqu’à la fin de l’année :
Aujourd’hui, j’ai visité pas mal d’endroits comme la tour de la Grue jaune, demain j’irai au Musée régional du Hubei. L'épidémie est finie, je ne me fais pas de souci.
Mais les images abondamment diffusées d'une jeunesse wuhanaise dansant dans les boîtes de nuit, se heurtent à une autre réalité. Les 11 millions d’habitants continuent de porter le masque alors qu'il n'est plus obligatoire dans la rue.

Tolérance zéro dans les hôpitaux
Les médecins sont sous pression pour garder le contrôle de la situation. Le docteur Yann Zhao, un médecin français d’origine chinoise, dirige le service des urgences de l'hôpital universitaire de Wuhan, il est sur le qui-vive :
Nous sommes extrêmement sous pression parce que dès qu’il y a un personnel médical infecté, là où il travaille, tout le bâtiment ferme. Imaginez qu’un membre de mon équipe attrape le Covid à l’extérieur, mon hôpital fermera quand même. C'est vraiment tolérance zéro. Il est peu probable qu’avec le système de suivi actuel de traçage qu’il puisse y a voir une quelconque deuxième vague.

Wuhan a fini par maitriser l’épidémie mais on ne sait toujours pas comment elle est apparue. L’équipe scientifique internationale de l’OMS est attendue au début de l’année prochaine, les habitants que nous avons rencontrés veulent connaître les causes de cette tragique année 2020.

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