Le débat sur la politique migratoire de la France et de l'Europe revient au Parlement. Un débat qui touche l'Afrique sur le plan économique. Il y a quelques jours, un jeune Sénégalais est mort dans une pirogue en tentant de traverser l'Atlantique pour devenir footballeur. Le rêve de beaucoup.
Depuis un mois, le Sénégal est traumatisé par un drame de l'immigration. La mort d'un espoir du foot de 14 ans, que son père a mis sur une pirogue pour tenter de rejoindre l'Europe, fasciné par le rêve de fortune dans un grand club de football. Le père a été condamné à deux ans de prison dont un mois ferme mais le pays s'interroge. Comment éviter qu'un tel drame se reproduise ?
Reportage au Sénégal de notre envoyé spécial Guillaume Battin.
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Le visage souriant, les deux doigts levés en forme du V de la victoire, maillot bleu sur les épaules. Il s’appelle Ousmane Faye, mais tout le monde ici parle de Doudou Faye. Son image est partout sur internet, à la télévision. Ses amis manifestent silencieusement pour dénoncer l’immigration clandestine, ils réclament un jour de deuil national.
Une radio lance le hashtag #jesuisdoudou
Un pauvre innocent jeté à la mer et à la mort par un père qui s'est trompé d'orientation. La pauvreté ne peut pas tout justifier. #JesuisDoudou
Doudou n’a jamais mis les pieds aux Îles Canaries. Il est mort après six jours de mer, épuisé. Le passeur a jeté son corps à l’eau.
Doudou était inscrit dans un centre de formation où tous les jeunes rêvent d’Europe, du Real Madrid ou du PSG, de célébrité, de réussite et d’argent.
"Il y a une telle pression pour réussir, souvent de la famille"
Nous sommes à Saly, à 80 kilomètres au sud de Dakar, au centre Diambars, guerrier en Wolof. Ce centre a été créé par Bernard Lama, Patrick Vieira et Jimmy Adjovi-Boco, trois anciens joueurs du championnat de France. Pape Birane Diagne est arrivé à l’âge de 13 ans à Diambars, des rêves plein la tête. A 29 ans, il en est aujourd’hui le directeur.
Je pense que l'environnement est idéal pour réussir ici.
Il est 17 heures, le soleil tombe. Les terrains se remplissent. Siley, 14 ans, le même âge que Doudou Faye, part à l’entraînement.
Mon objectif est de signer un contrat professionnel, surtout de gagner de l'argent. Toute la famille est derrière moi, c'est difficile parfois.
L’argent, la réussite, voilà ce qui a tué Doudou Faye, poussé par son père à monter sur la pirogue. Car c’est souvent toute une famille, tout un village qui pousse un enfant à prendre la mer, à prendre le risque.
Papa Roger a inscrit son fils de 17 ans dans un centre de formation il y a un an.
Il y a des agents qui sont prêts à amener des jeunes footballeurs Sénégalais en Ukraine. Ils sont nombreux à vouloir partir parce qu'ils ne trouvent pas de salut ici, en Afrique.
Les jeunes du centre de formation de l' AS Dakar Sacré-Cœur eux aussi ne pensent qu’à partir. Mais ici, l’école est obligatoire. Ce centre de formation est présidé par Mathieu Chupin. Depuis quelques mois, il voit des joueurs partir, tenter leur chance en Europe.
Il y a une telle pression pour réussir, souvent de la famille.
La crise mondiale du Covid a entraîné la crise du tourisme au Sénégal et les départs pour l’Europe ont explosé. Selon les autorités espagnoles, près de 17 000 Africains sont arrivées aux Canaries depuis le début de l’année. Six fois plus qu’en 2019.
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