Sexisme : comment sensibiliser les lycéens aux inégalités de genre ?

Des élèves en classe de première à Orly lors d'un atelier sur le sexisme et les inégalités de genre.
Des élèves en classe de première à Orly lors d'un atelier sur le sexisme et les inégalités de genre.  ©Radio France - Claire Leys
Des élèves en classe de première à Orly lors d'un atelier sur le sexisme et les inégalités de genre. ©Radio France - Claire Leys
Des élèves en classe de première à Orly lors d'un atelier sur le sexisme et les inégalités de genre. ©Radio France - Claire Leys
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Au lycée des métiers Armand Guillaumin d’Orly (Val-de-Marne), une classe de bac professionnel, formée aux métiers du social, participe à des ateliers tout au long de l’année pour bousculer leurs préjugés de genre et les sensibiliser au sexisme ordinaire.

Espacés et masqués, les élèves de la classe de Première SPVL (service de proximité et vie locale) d’Orly sortent feuilles et stylos. Sauf que, cet après-midi de janvier, au lieu d’apprendre, ils vont être amenés à désapprendre, à bousculer les préjugés qu’ils ont sur les hommes, les femmes et leur place dans la société. “L’idée c’est de mettre de nouvelles lunettes qui permettent de voir le sexisme et de le mettre à distance”, leur intime Catherine Le Magueresse, juriste et intervenante à l’Agence de développement des relations interculturelles pour la citoyenneté ( ADRIC). 

La juriste Catherine Le Magueresse intervient depuis plusieurs années dans les lycées pour sensibiliser aux inégalités femmes-hommes.
La juriste Catherine Le Magueresse intervient depuis plusieurs années dans les lycées pour sensibiliser aux inégalités femmes-hommes.
- Alice Raybaud

Elle mène la séance du jour, destinée à débusquer toutes “ces inégalités de genre qu’on ne voit plus, parce qu’on baigne dedans”. Âgés de 16 à 17 ans, ces jeunes sont, pour la plupart, peu familiers de cette thématique, notamment dans ce lycée des métiers où, comme dans l’ensemble des établissements professionnels, filles et garçons se croisent peu. Leur orientation et la composition des classes y épousent les représentations genrées des rôles dans la société : plus de 90% de femmes dans les filières de soin à la personne ou esthétique, et inversement dans le BTP et la mécanique. 

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Ouvrir des portes

Pour initier la réflexion, les lycéens sont invités à observer leur foyer : qui fait le ménage ? Les courses ? Qui représente l’autorité ? L’intervenante élargit l’horizon au sexisme dans la rue ou encore dans la publicité. Tout y passe, même l’Histoire et ses figures féminines oubliées. D’ailleurs, quand elle leur demande de citer une femme célèbre, les hésitations sont nombreuses. Catherine Le Magueresse n’est pas surprise, elle qui constate souvent chez les lycéens des manques, voire une absence de modèles féminins.

“A chaque intervention, je retombe sur Beyoncé et Rihanna. C’est quand même très pauvre. Mon objectif est d’ouvrir de nouvelles portes et, notamment, de permettre aux filles de se dire qu’elles peuvent tout faire, qu’elles ont le droit.”

Ce droit, les lycéennes ne se l’octroient pas toujours. Victimes, quelque part, de ce que la société leur renvoie. Doucement, au fil des questions posées par la juriste, les langues se délient. “Je voulais devenir soldat dans l’armée de terre mais mon père m’a dit non, parce que je suis une fille”, dévoile une lycéenne. “Moi, je veux être policière, enchaîne Jaïs. Mon père est contre, il ne veut pas que je sois confrontée à la violence et à la délinquance. Selon lui, c’est un métier de garçon. Mais aujourd’hui, on nous montre qu’il n’y a pas de métiers réservés aux femmes ni aux hommes”, résume-t-elle, déterminée.

Prise de conscience

Jaïs écarquille les yeux quand elle apprend qu’en Arabie saoudite, les femmes ne peuvent conduire que depuis 2018. Qu’en France, elles ont dû attendre 1965 pour ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur mari. Ces découvertes, chaque élève les reçoit à sa manière. “J’ai appris des choses sur les inégalités mais parfois, les femmes exagèrent. J’ai remarqué qu’elles veulent être au-dessus des hommes. Nous on ne se plaint pas, on ne réclame pas des droits”, lance Louei, 17 ans. Sa camarade Awa l’écoute en silence, mais ne tarde pas à réagir :

“Il dit qu’on se plaint beaucoup, mais il y a des raisons : au lycée comme dehors, les femmes ne sont pas réellement respectées, notamment en fonction de leur manière d’être habillées. Chez moi, je remarque aussi que ce n’est pas très équitable au niveau du ménage : les femmes font tout, alors que les hommes sont sur leur canapé pour jouer à la Playstation.”

C’est en comprenant que ces inégalités font partie intégrante du quotidien des élèves que Djidjiga Allek, leur professeur de français-histoire, a voulu impulser ce type d’ateliers de sensibilisation dans son lycée. Le déclic est survenu il y a trois ans. “En plein cours de français, une élève m’a raconté qu’elle avait été excisée à l’âge de cinq ans. Nous avons beaucoup de jeunes qui subissent des violences en tout genre”, pointe l’enseignante. 

Les élèves sont sensibilisés aux violences conjugales par leur professeur de français-histoire.
Les élèves sont sensibilisés aux violences conjugales par leur professeur de français-histoire.
© Radio France - Claire Leys

“C’est à la communauté éducative d’agir, c’est le rôle de l’école. Nous sommes là pour protéger nos élèves, pour en faire des individus épanouis. L’égalité est une notion qui se travaille de la maternelle jusqu’à l’âge adulte.”

Une exigence que Djidjiga Allek s’efforce d’appliquer dans son enseignement. Le sexisme, ses lycéens en entendront parler jusqu’à la fin de leur scolarité. 

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