C'est un projet de serre géante qui crée la polémique dans le Pas-de-Calais, à quelques kilomètres de Berck-sur-Mer.
La plus grande serre tropicale du monde doit y voir le jour. Mais cet investissement de 73 millions d'euros, dont quelques fonds publics, suscite une forte opposition. Un collectif de 38 associations locales et nationales appelle à manifester ce samedi 6 février.
Véronique Rebeyrotte s'est rendue sur place, sur la ZAC, Zone d'Aménagement Concertée, de la commune de Rang-du-Fliers, où il est prévu de construire Tropicalia.
"Un concept de jardin d'Éden" de 20 000 m2
Cédric Guérin, vétérinaire de profession, est celui qui a imaginé ce bout de forêt tropicale sur la Côte d'Opale. Un rêve qui n'est toujours pas sorti de terre mais qui ressemblerait à cela :
La serre tropicale fait 20 000 m2 de superficie. Une trentaine de mètres de hauteur. Tropicalia, ce sont différents écosystèmes reconstitués. L'idée étant d'emmener le visiteur dans une immersion, dans un concept de jardin d'Éden, donc très fleuri, avec des oiseaux, des cascades, des poissons... dans un but pédagogique. Quand un papillon vient se poser sur l'épaule d'un enfant, par exemple, tout de suite, il est subjugué. Et là, il va se dire "Tiens, c'est quoi ce papillon ? Pourquoi il est si beau ?". On va lui expliquer que, pour que ce papillon continue à vivre dans de bonnes conditions, il faut que sa plante soit toujours dans le milieu naturel. L'idée de base, c'est de s'émerveiller pour apprendre.
"Un intérêt privé qui s'abrite derrière l'idée de protéger la nature tropicale"
Aucun émerveillement pour Mariette Vanbrugghe. La présidente de l'association environnementale GDEAM62 voit surtout dans ce projet des terres gaspillées dans les Hauts-de-France, la deuxième région française la plus artificialisée.
Pour nous, la consommation de l'espace est une grosse préoccupation. Et même si on est dans un contexte de ZAC, il n'en reste pas moins que cet espace artificialisable doit être consommé avec beaucoup de parcimonie. C'est typiquement un grand projet inutile. Je ne vois pas en quoi il serait au service de la population, de l'intérêt général. C'est un intérêt privé qui s'abrite derrière l'idée de protéger la nature tropicale au nord de la France alors qu'on ne va pas aller protéger la nature du Pas-de-Calais sous les tropiques !
Tropicalia nécessitera d'importer par avion des chrysalides qui deviendront papillons, d'être chauffé à 26-28 degrés toute l'année, rafraîchi l'été mais par un procédé vertueux, explique Cédric Guérin, qui pourrait à l'avenir être utilisé dans des serres agricoles.
Nico, opposante à Tropicalia, a des doutes sur le procédé Terraotherm :
Ça a été appliqué dans certaines piscines, dans certaines petites serres. Mais à cette envergure là, ça n'a jamais été fait. Sachant qu'à un moment donné, c'est aussi très gourmand en eau puisque c'est un système d'eau, ça puise dans la nappe phréatique. Il serait peut-être plus judicieux de l'expérimenter sur un projet plus modeste. Et si ça fonctionne, bingo !
Pas d'opposition des élus locaux
Près de 150 emplois créés à terme promettent les promoteurs et une attraction touristique nouvelle bienvenue pour Claude Coin, le maire de Rang-du-Fliers :
Nous sommes ici dans la région du Nord Pas-de-Calais. Ce n'est pas une région très chaude, et là on pourra se retrouver pendant une demi-journée dans une serre sous la chaleur des Tropiques. Cela peut amener énormément de touristes ici, sur notre secteur.
500 000 visiteurs espérés pour ce que les opposants décrivent comme "un zoo tropical sous cloche", projet d'un autre temps pour Nico :
C'est anachronique et obsolète en tant que projet. Peut-être que dans une autre époque, avant la crise climatique, avant les crises sanitaires, on pouvait se dire bah oui, on va ramener un petit biotope dans notre pays pour le montrer aux gens avec des animaux, des plantes, etc. Aujourd'hui, ce n'est plus d'actualité. Pour moi, ça évoque les expositions universelles, les expositions coloniales. Philosophiquement, on ne peut plus en être là avec les crises climatiques et les crises sanitaires que nous connaissons.
Un recours a été déposé par l'association GDEAM 62.
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