Un an après le premier confinement : comment le streaming s’est imposé dans nos vies

A l'image de Netflix, l'ensemble des plates-formes de streaming ont vu leur audience bondir depuis le début de la pandémie.
A l'image de Netflix, l'ensemble des plates-formes de streaming ont vu leur audience bondir depuis le début de la pandémie.  ©AFP - Stéphane Ferrer Yulianti / Hans Lucas
A l'image de Netflix, l'ensemble des plates-formes de streaming ont vu leur audience bondir depuis le début de la pandémie. ©AFP - Stéphane Ferrer Yulianti / Hans Lucas
A l'image de Netflix, l'ensemble des plates-formes de streaming ont vu leur audience bondir depuis le début de la pandémie. ©AFP - Stéphane Ferrer Yulianti / Hans Lucas
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Il y a un an, le 17 mars 2020, les Français entamaient leur premier confinement en raison de la pandémie de Covid-19. Cette vie quotidienne mise sous cloche pendant deux mois a largement profité aux plates-formes de streaming vidéo qui ont vu leurs audiences bondir et leurs publics se diversifier.

Avec
  • Hervé Godechot Conseiller en charge des radios et de l’audio numérique au CSA

Quand Solène, Jean-Pierre et leurs enfants s'apprêtent à regarder un programme sur Netflix, c'est toute une gymnastique. Il y a certes les éternels petits problèmes techniques mais il faut surtout réussir à conjuguer avec les goûts de Margot, 18 ans, ceux d'Anouk, 15 ans, et les préférences de Max, 11 ans. Si le cadet dévore les séries animées adaptées de mangas comme "Naruto", Anouk préfère elle la série apocalyptique "Les 100", tandis que l'aînée se laisse tenter par "Suits" mais préfère largement le cinéma français. 

De nouveaux profils d'utilisateurs pendant le confinement

Cela fait bientôt un an que cette famille parisienne est abonnée à Netflix. Or la plate-forme américaine de streaming vidéo n'avait jusqu'ici rien d'une évidence pour Solène et Jean-Pierre qui ont toujours refusé d'avoir une télévision, préférant les séances de cinéma en famille et les films DVD regardés sur vidéoprojecteur. Mais il y a un an, à la faveur du premier confinement, Anouk a réussi à faire céder ses parents. 

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"Dans les cours de récréation, tout le monde parlait des séries, des films Netflix et je me sentais décalée, je n'y connaissais rien" explique-t-elle. Pendant le confinement, l'adolescente de 15 ans a donc préparé une présentation sur Powerpoint destinée à ses parents où elle détaille tous les avantages de Netflix : "le fait de pouvoir regarder des films de toute sorte, à n'importe quelle heure. De les regarder chacun de notre côté ou en famille," énumère Anouk avant que son père Jean-Pierre n'ajoute "l'argument-massue c'est le fait que l'on pouvait regarder des films en anglais, en version originale. L'argumentaire était tellement bien monté qu'on a craqué, on s'est abonné," s'amuse-t-il. 

 Solène, Jean-Pierre et leurs trois enfants devant la série "Suits", diffusée sur Netflix, en mars 2021 à Paris.
Solène, Jean-Pierre et leurs trois enfants devant la série "Suits", diffusée sur Netflix, en mars 2021 à Paris.
© Radio France - DR

Si deux enfants sur trois regardent des contenus Netflix de manière individuelle, l'objectif c'est aussi de passer des moments en famille autour d'un programme. "La journée on avait tendance à s'isoler mais le soir on se retrouvait autour d'un film," se souvient Anouk. Même si pendant le confinement les habitudes n'ont pas véritablement changé raconte Solène : "on regardait les films Netflix comme les films classiques", explique-t-elle, "mais à la sortie du confinement, on s'est rendu compte qu'on devenait un peu addict aux séries, les salles de cinéma n'étant pas rouvertes, il n'y a pas beaucoup d'alternatives," reconnaît-elle.

22 millions de Français désormais abonnés à une plate-forme de streaming 

A l'instar de cette famille, le nombre d'abonnés aux plates-formes de streaming vidéo a ainsi bondi depuis le printemps 2020. Le nombre d'utilisateurs a augmenté de 45% entre mars et juillet 2020 d'après le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. 22 millions de Français sont désormais abonnés à une offre de VàDA (Vidéo à la Demande par Abonnement). Un phénomène auquel le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et l'Hadopi viennent de consacrer une vaste enquête. "Le terme n'est pas très heureux mais la pandémie a profité à tous d'une certaine manière, notamment lors du premier confinement où on a vu les audiences augmenter considérablement, détaille Hervé Godechot, membre du CSA. "Alors que les plates-formes de VàDA étaient plutôt dédiés aux jeunes, on a vu des gens de 50 ans et plus s'abonner à ces plates-formes". Si ces dernières restent très discrètes sur leur nombre réels d'abonnés, l'enquête détaille néanmoins les usages qui en sont faits. "Les gens ont en général 1,7 abonnement par foyer auquel ils consacrent entre 15 et 20 euros par mois", explique Hervé Godechot. Des utilisateurs qui restent généralement fidèles à une plate-forme et prennent un deuxième abonnement en fonction de leur desiderata.

Etude Hadopi / CSA sur la multiplication des services de vidéo à la demande par abonnement
Etude Hadopi / CSA sur la multiplication des services de vidéo à la demande par abonnement
© Radio France - CSA / Hadopi

Un chiffre d'affaires multiplié par dix depuis 2015

Le géant Netflix continue d'écraser largement la concurrence mais 78 plates-formes se partagent aujourd'hui  le marché français dont le chiffre d'affaire a été multiplié par dix depuis leur émergence en 2015. Un secteur qui pèserait plus d'1,2 milliard d'euros en 2020, d'après les premières estimations du CNC. Et cette croissance exponentielle impacte profondément l'industrie audiovisuelle et cinématographique française estime Hervé Godechot. "Cela signifie plus d'activité car ces plates-formes arrivent avec des budgets conséquents pour investir dans la production française. Netflix, Amazon et Disney ont l'intention d'investir plus de 230 millions d'euros en France cette année donc tout cela génère du travail, de l'activité économique et c'est bon pour la production. Mais ils arrivent aussi avec des modèles économiques auxquels nous ne sommes pas trop habitués en France. Ils arrivent en gros avec un chèque en disant 'on vous achète tant et on vous achète tous les droits en même temps'. On va donc voir à l'usage comment le secteur va s'adapter. Mais de ce point de vue là, le CSA va avoir son rôle à jouer, notamment dans le respect des obligations de contribution à la production française."

"Lors du premier confinement, on a vu les audiences des plates-formes augmenter considérablement," explique Hervé Godechot, membre du CSA

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Entendez-vous l'éco ?
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Des géants numériques qui remettent en question le modèle économique de l'industrie cinématographique 

Contribution à la production française, chronologie des médias, ces deux problématiques sont au cœur d'âpres négociations entres plates-formes et professionnels du cinéma. Une ordonnance publiée au journal officiel en décembre 2020, transposant dans le droit français la directive européenne SMA (services de médias audiovisuels), prévoit en effet la mise à contribution de ces géants numériques dans le financement du septième art en échange d'un assouplissement du délai de diffusion des films. Si l'ordonnance obligeait initialement les acteurs du secteur à négocier un nouvel accord sur ce dossier brûlant dans un délai de six mois maximum, un décret publié le 28 janvier leur a donné une nouvelle échéance : ils ont jusqu'au 31 mars prochain avant que le gouvernement ne tranche, au grand dam d'une centaine de cinéastes. Ils craignent que l'exécutif entérine "un décret particulièrement favorable aux plates-formes de streaming en leur offrant une place avantageuse dans la chronologie des médias," alertent-ils dans une tribune publiée dans Le Monde. Des inquiétudes partagées par le grand argentier du cinéma français : Canal+. Le groupe a ainsi déposé un recours fin février devant le Conseil d'État contre cette ordonnance. Après avoir considérablement bouleversé les habitudes dans les foyers, les plates-formes de streaming s'apprêtent donc aujourd'hui à remettre en question le fragile équilibre économique entre partenaires historiques de l'industrie cinématographique.

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1h 33