

Début octobre, dans son discours pour lutter contre l’islamisme radical, Emmanuel Macron a annoncé la future présence obligatoire à l'école dès l'âge de 3 ans. Cette mesure devrait concerner à partir de la rentrée prochaine 50 000 enfants scolarisés à la maison, soit 0,4% des effectifs d’élèves.
A quel point en a-t-on fini de l'instruction à la maison ? Le 2 octobre dernier, dans son discours sur "le séparatisme islamiste", le président de la République a remis en question l’instruction à domicile (IAD). Elle sera "strictement limitée, notamment aux impératifs de santé" à partir de la rentrée 2021. "C’est une nécessité. J’ai pris une décision, sans doute l’une des plus radicales depuis les lois de 1882 et celles assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969", a expliqué Emmanuel Macron. Avant de préciser que "aujourd’hui, plus de 50 000 enfants suivent l’instruction à domicile, un chiffre qui augmente chaque année. Chaque semaine des recteurs et rectrices trouvent des cas d’enfants totalement hors système". Mais cette décision a été et est encore critiquée.
"A la maison, c’est plus facile parce qu’on peut prendre le temps de bien comprendre"
Emmanuelle a 4 enfants, dont 3 qui sont scolarisés à domicile. Dans leur maison, les espaces ont été aménagés en fonction des matières. Avec une grande chambre au dernier étage pour les activités culturelles. Quant au jardin, il permet de pratiquer la biologie et le sport. Ici, rien n’est laissé au hasard et les emplois du temps sont cadrés. Tout comme les apprentissages et les évaluations.
En effet, des inspecteurs de l’éducation nationale viennent contrôler le niveau et les acquis des enfants au moins une fois par an. Comme l’explique Emmanuelle, qui travaille la conjugaison avec sa petite dernière Melissa, 7 ans, qui est en niveau CE1 :
J’insiste beaucoup sur le français avec Melissa. C'est selon moi la base de tout, aussi bien pour la lecture et la compréhension. Nous travaillons également la conjugaison, la grammaire, le vocabulaire, qui permettent de bien comprendre les consignes dans d’autres matières comme les mathématiques ou l’histoire-géographie. Nous suivons vraiment les attentes qui sont demandées par l’Education nationale.
En attendant, Melissa apprécie d’être scolarisée chez elle avec ses deux frères. Et la vie dans une vraie école ne semble pas lui manquer pour l’instant :
A la maison, c’est plus facile parce qu’on peut prendre le temps de bien comprendre. Et puis pour m’aider je peux compter sur mes 2 frères.
Mais si Emmanuelle a fait le choix de l’instruction en famille, c’est aussi parce que l’un de ses fils, Enzo, 14 ans, est autiste Asperger. Faute de moyen humain, il a dû être déscolarisé de l’école primaire où il était. Car il a besoin d’être accompagné au quotidien par des professionnels comme des ergothérapeutes et des psychomotriciens.
Aujourd’hui en niveau 4e, il ne garde pas forcément un bon souvenir de son passage à l’école. Il y a des mots qui font plus mal que les coups :
Quand on est handicapé, il est plus simple de travailler à la maison. Je me sens moins stressé par le temps. Et maman a le temps de m’expliquer les choses quand je ne comprends pas. Et puis, quand j’étais à l’école jusqu’en CE1, des enfants se moquaient de moi. A cet âge, il sont parfois durs les enfants.
C’est justement pour mieux répondre à des cas comme celui d’Enzo que Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education, va finalement autoriser la scolarisation à domicile uniquement pour les élèves handicapés ou atteint d’une maladie.
Mais l’instruction à domicile peut-elle avoir des conséquences sur la sociabilisation des enfants ? Pour de nombreux spécialistes que nous avons interrogés, la réponse est non. Ce que nous a confirmé Bénédicte, qui habite à Chantilly, dans l’Oise. Elle aussi a fait le choix de scolariser pendant un an son fils de 3 ans chez elle :
Pour permettre à son petit Charles Enguerrand de se mélanger avec d’autres enfants de son âge, elle l’a donc inscrit au conservatoire de la ville :
En inscrivant mon fils, j’ai bien prévenu sa professeur de musique qu’il n’était pas scolarisé dans une école classique. Mais chez moi, à la maison. Et il s’est tout de suite bien adapté. Il s’est fait des copains et son enseignant m’a dit qu’elle ne voyait pas du tout de différence avec les autres enfants
Ne pas stigmatiser toutes les familles
Dans l’attente du texte qui doit arriver à l’Assemblée début décembre, des parents d’élèves et des psychologues de l’éducation comme Claire Leconte appellent le ministre de l’Education à ne pas stigmatiser tous les parents d’élèves :
Les familles qui scolarisent leurs enfants uniquement pour des questions religieuses ne représentent que 2% des effectifs. La raison première est souvent liée à des enfants qui vivent mal leur scolarité. Car, à un moment donné, ils sont harcelés. Ou il s'agit de familles obligées de bouger pour leur travail.
Actuellement, 50 000 enfants sont scolarisés chez eux. Si le projet de loi est voté, leur nombre devrait être divisé par deux.
Écoutez l'interview d'Anne Coffinier, fondatrice de la fondation Cairos.
3 min
J’ai été très surprise par l’annonce du président de la république Emmanuel Macron de vouloir mettre fin à l’instruction à domicile. Car, on ne voit pas le rapport entre l’objectif affiché qui est de lutter contre le séparatisme islamiste. Et la possibilité pour les parents qui le souhaitent de faire l’école à la maison.
Anne Coffinier, fondatrice de la fondation Cairos.
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