

Du 6 au 9 avril se tenait à Marseille la 11e conférence de l'AFRAVIH, l'Alliance Francophone des Acteurs de santé contre le VIH. L'association AIDES en a profité pour organiser un die-in et demander à la France de porter son financement du Fonds mondial de lutte contre le sida à 2 milliards d'euros.
Il assure un quart du financement international de lutte contre le VIH, et 10% de l'ensemble des sommes engagées. Depuis qu'il a été créé, il y a vingt ans, le nombre de décès dans les pays où il intervient a diminué de 68% par rapport au pic de l'épidémie (qui se situe en 2004). Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est parvenu, parallèlement, à aider des millions de malades à se soigner. Sur les 27,5 millions de personnes qui vivent avec le VIH et sont sous traitement antirétroviral, le Fonds soutient 21,9 millions de personnes.
Toutes ces performances plaident en faveur de ce mécanisme international qui, tous les trois ans, doit reconstituer ses finances. La prochaine "conférence de reconstitution" - c'est ainsi que l'on nomme la réunion au cours de laquelle les États donateurs s'engagent - aura lieu aux États-Unis cet automne.
Le Fonds Mondial souhaite lever 18 milliards de dollars
La France est le deuxième donateur public, derrière les USA, avec 5,65 milliards d'euros investis à ce jour. Ce qui n'empêche pas les militants de certaines associations, comme AIDES - membre du réseau Coalition Plus - d'exiger une hausse de la contribution tricolore. L'ONG demande à Paris d'augmenter de 50% ses promesses de dons par rapport à la dernière conférence, celle de 2019, au cours de laquelle la France s'était engagée sur une enveloppe de 1,3 milliards. AIDES organisait jeudi 7 avril un die-in sur le Vieux Port de Marseille pour sensibiliser les passants et les pouvoirs publics à sa cause. (voir photo et reportage).
Les administrateurs du Fonds mondial espèrent aussi une hausse substantielle. Ils souhaitent passer de 14 milliards de dollars à 18 milliards ! L'objectif affiché, qui est en ligne avec celui de l'OMS, est d'éradiquer le VIH en 2030. Ce n'est pas inaccessible car, de fait, si tous les malades étaient traités par des trithérapies et réagissaient bien aux antirétroviraux, leur charge virale serait indétectable et ils ne transmettraient plus le VIH. L'épidémie s'éteindrait alors. À condition - et c'est bien le défi - que tous les malades soient dépistés et soignés correctement.
Du 6 au 9 avril, l'AFRAVIH, l'Alliance Francophone des acteurs de santé contre le VIH et les infections virales chroniques ou émergentes organisait sa 11e Conférence internationale, regroupant quelque huit-cents invités. L'occasion de réfléchir notamment à la place des acteurs de terrain, ces "acteurs communautaires" - autrement dit, les populations elles-mêmes touchées par le VIH - qui constituent de loin les meilleurs ambassadeurs contre la maladie. Car l'épidémie se concentre chez les plus marginalisés, hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes, travailleurs et travailleuses du sexe, usagers de drogue. Des publics souvent stigmatisés et rejetés par les systèmes de santé.
Avec le Covid, les dépistages du VIH ont chuté de 22%
Voilà pourquoi les financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose se concentrent souvent sur des associations communautaires qui ont su démontrer leur efficacité.
En temps de Covid, cette efficacité a été particulièrement remarquée. Certes, les dépistages ont diminué de 22% en raison des confinements décidés dans plusieurs pays. Mais la distribution des médicaments (qui est la plupart du temps organisée par des associations de terrain communautaires) a progressé de 8,8% ! Ce qui veut dire que malgré le Covid, les bénévoles et les militants se sont mobilisés pour que les malades soient encore mieux soignés que d'ordinaire.
Au Mali par exemple, l'association ARCAD-Santé-Plus (ex ARCAD-Sida) - qui est elle aussi membre du réseau Coalition Plus - a commencé une action ciblée envers les aides ménagères, que l'on nomme aussi à Bamako, les "petites bonnes". Des jeunes filles de 12 à 19 ans qui quittent leur campagne pour venir s'employer comme domestique dans les grandes villes. Cette population est estimée à environ 150 000 personnes, croient savoir les chercheurs du laboratoire Sesstim (Sciences Economiques et Sociales de la Santé et traitement de l'Information Médicale) de l'IRD, l'Institut de Recherche en développement qui travaillent sur le même projet.
Les aides ménagères au Mali, une nouvelle population clé ?
A l'initiative de cette coopération se trouve une association malienne, l'Addad, l'association de défense des droits des aides ménagères et domestiques, qui s'est rapprochée d'ARCAD-Santé-Plus pour solliciter une aide afin de faire de la prévention auprès des jeunes "bonnes". Le trio, IRD, ARCAD et ADDAD, mène donc une enquête qualitative auprès de cette population, via pour l'instant des groupes de paroles animés par ADDAD. À charge ensuite pour les chercheurs de l'IRD d'analyser leurs traductions. Dans un second temps, une étude quantitative sur un millier, environ, d'aides ménagères est prévue. Les financements viennent essentiellement de l'ANRS, qui coordonne toute la recherche publique sur le VIH en France.
L'objectif d'ARCAD-Santé-Plus est de mieux cerner ces toutes jeunes filles afin de comprendre comment leur parler de santé sexuelle et vraiment répondre à leurs besoins. L'association ADDAD a elle déjà su créer un précieux lien de confiance avec ces femmes exploitées et souvent très peu éduquées. Mais elle a besoin de l'aide d'ARCAD pour délivrer un message de prévention contre le VIH. De son côté, l'IRD fournira donc l'expertise chiffrée qui pourra aider les deux autres partenaires dans leur action.
À terme, les aides ménagères, non seulement au Mali, mais dans toute l'Afrique de l'Ouest pourraient bien devenir une nouvelle "population clé" pour les associations de lutte contre le VIH. C'est-à-dire une population cible très importante car, comme elle est marginalisée et souvent stigmatisée, elle a moins accès au discours de prévention et se trouve plus vulnérable face au sida.
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