Le 11 mars 2011, un tremblement de terre et un tsunami engendraient la plus grande catastrophe nucléaire du 21ème siècle à la centrale de Fukushima, au Japon. Comment cet évènement a-t-il influencé ou marqué les artistes japonais ?
- Michaël Ferrier Ecrivain
Tewfik Hakem s’entretient avec l’essayiste et écrivain Michael Ferrier à l’occasion de la parution de Dans l’œil du désastre : créer après Fukushima (éditions Thierry Marchaisse). Un recueil d’entretiens qu’il a dirigés et qui donnent la parole aux artistes de la génération Fukushima, 10 ans après la catastrophe nucléaire survenue à la suite d'un tremblement de terre et d'un tsunami.
Michael Ferrier :
Les artistes que nous avons interrogés sont tous allés, et pour certains résident, à Fukushima. Leur parole nous donne quelque chose à voir de l’art contemporain japonais, de la société japonaise en général, et au-delà même de notre rapport au monde, à la nature ou à la technologie.
L’art japonais est encore très influencé par l’Occicdent dans son histoire. En réaction depuis une dizaine d’années, des historiens et critiques d’art tentent de redécouper cette histoire avec des critères plus japonais. Ce peut-être par exemple une conception géologique de l'art qui s’appuie sur les tremblements de terre pour définir des périodes.
Si l’on parlait d’une génération post-Fukushima, on devrait préciser qu’il ne s’agit pas d’un milieu homogène : il y a des photographes, cinéastes, installateurs, dramaturges, anthropo-dramaturges, performeurs… On parle d'une influence sur les arts visuels en général.
"Ce sentiment de sidération a poussé beaucoup d’artistes japonais à se réinventer eux-mêmes et à libérer de nouvelles formes."
Avant la catastrophe, le pop art japonais était "mignon". Il était formé de figures inanimées, avec des couleurs flashy, stridentes ou à l’inverse pastellisées. C’était un art qui se plaçait du côté du ludique. La fonction de l’art était alors d’exploiter une sorte de capital commercial de la culture japonaise.
Il y a eu un changement de paradigme depuis. Le pop art s’est recentré avec l’émergence des “artivistes“, des activistes de l‘art qui redonnent à la création un poids, un pouvoir de provoquer. Cela donne des chocs esthétiques et perceptifs, avec une réflexion sur ce que doit être l’art au temps de Fukushima.
Parler d’un après Fukushima, c’est employer un terme en trompe-l’œil. Parce que la catastrophe Fukushima continue. La contamination radioactive fait encore effet aujourd’hui, elle aussi très présente par son inscription dans le paysage depuis l’érection d’un mur de 15 mètres de haut sur des dizaines de kilomètres le long de la côte du Tōhoku.
Références musicales :
Enio Morricone, Il Grande Silenzio (1968)
Lien vidéo " Photographier Fukushima " (France-Culture, 11 mars 2021)
Comment représenter l'invisible? Dix ans après la catastrophe de Fukushima, des photographes tentent de reconstituer la mémoire des victimes de l'atome.
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