Jean-Yves Ferri : "C'est la vie de Manu Larcenet à la campagne. Tout est vrai, mais tout est faux "

Vendredi-BD

Tewfik Hakem s'entretient avec Jean-Yves Ferri, scénariste, qui retrouve Manu Larcenet pour un nouveau tome du Retour à la terre, Les Métamorphoses (tome 6) paru aux éditions Dargaud. Chroniques de la vie à la campagne du dessinateur Manu Larcenet et sa famille.

L'album est né quand notre ami Manu Larcenet - le vrai, que je distingue de celui de l'album - est parti vivre à la campagne dans les années 2000. Il n'avait pas envie d'être perdu de vue par ses amis, donc il m'avait envoyé toutes ses coordonnées. De fil en aiguille il m'a demandé si je voulais raconter les aventures de ce nouveau citadin à la campagne. C'est ce que j'ai fait. Depuis, je lui ai mis sur le dos tout un tas d'aventures. 

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C'est ce qu'on appelle des doubles "strips" ; six cases, en gros, un format qui me sied, qui permet d'aller au-delà du gag, de raconter, mettre une situation en route et de jouer sur les fameuses ellipses entre deux strips, de raconter une histoire qui est plus longue. 

Souvent, on m'a dit : Ferri, qu'est-ce que tu fais dans cette affaire, puisque c'est la biographie de Larcenet. Tout est vrai, mais tout est faux ; le principe c'est qu'il se dessine un peu comme un acteur finalement, il dessine son double, Larssinet, mais tout est un peu imaginaire, il n'a jamais rencontré d'ermite tout nu sur un arbre, Madame Mortemont, c'est moi qui la connais, par exemple... La vie du dessinateur perdu dans la campagne, c'est un peu ma vie à moi. L'idée c'était de mettre Larcenet au courant de ce qui allait lui arriver.  

Entre 2009 et le sixième album, il y a une évolution. On évolue tout le temps. Larcenet aurait tendance graphiquement à bouger beaucoup plus. Or, je suis partisan pour Larsinet et tous ces personnages d'un traitement un peu classique - comme ces héros qui ne bougent pas - que Larcenet reste Larcenet, ça a été un peu notre règle. Or, sur le dernier, on pourra noter une petite évolution parce que Larsenet, entre temps, a adopté une autre technique, il est passé à la tablette, il a laissé les crayons. avec un style  un peu différent sur les décors, des éléments un peu plus travaillés, plus sombres aussi...

Manu Larcenet parle d'une théorie du quatre traits, moi je dirais du trois traits même : quand vous dessinez un tracteur, que vous vous mettez à dessiner les ressorts, les boulons, le lecteur cherche s'il manque un ressort, un boulon, c'est pas le but ; quand vous dessinez un tracteur en trois traits, le lecteur a compris que c'est un tracteur et il passe à autre chose de plus intéressant, vous devenez plus sensible, vous dîtes des choses essentielles. On est sur cette ligne, avec Larcenet, et Le retour à la terre a permis ça, parce que c'est du strip.

Programmation musicale :

Les Fatals Picards, Le retour à la terre

Archive

Manu Larcenet, dans Le Réveil Culturel du 26/06/2018