Entretien avec Joann Sfar qui signe le septième tome des aventures du Chat du Rabbin, un album plus grave qui observe les dissensions religieuses avec finesse...
- Joann Sfar Dessinateur, auteur de bande dessinée, et réalisateur
Vendredi BD dans le Réveil culturel, avec :
Joann Sfar, auteur de BD, pour Le Chat du Rabbin tome 7, La tour de Babel-Oued, aux éditions Dargaud, collection Poisson Pilote.
Ce septième tome des aventures du Chat du Rabbin s'ancre à Alger dans les années 30, quand les communautés juives et musulmanes vivant dans la Casbah se trouvent ostracisées par la communauté européenne dominante. La mosquée se trouvant inondée, l'imam et le rabbin trouvent un terrain d'entente afin que tout le monde vienne prier à la synagogue. Se crée alors une alliance des juifs et des musulmans qui refusent de prier ensemble... Dans ce dernier conte orientaliste du Chat du Rabbin, Joann Sfar devient l'observateur du monde et du dialogue entre les communautés.
Depuis 18 ans dans le "Chat du Rabbin" je mets des images coloniales au service d’un récit de colonisé, c’est ce qui est peut-être amusant : mes personnages ont été des jouets du colonialisme mais l’imagerie que j’utilise est une imagerie coloniale, celle des "Femmes d’Alger" de Delacroix, de ces intérieurs tellement décorés qu’on dirait Las Vegas…
Ce qui est délicat c’est de garder un imaginaire de voyageur, de migrant ou d’émigré, et en même temps de ne pas sombrer dans un angélisme qui ferait qu’on ne comprendrait pas les réalités d’aujourd’hui, la réponse est forcément complexe… Malgré moi je suis arrivé dans un livre qui est compliqué parce que le sujet est compliqué.
J’ai commencé le "Chat du Rabbin" presque comme un récit pour enfants mais je m’aperçois que dans chaque album j’appuie sur une note de musique différente. Il y a quatre religions d’une certaine façon dans cette histoire : le judaïsme, l’islam, le christianisme et il y en a une autre, c’est l’ivresse. Un personnage fait ce qu’a fait Noé dans la Bible quand il a touché terre après le déluge, il s’enivre. Dans son ébriété, il va avoir une drôle d’idée pour réconcilier tout le monde, il kidnappe le bébé de Zlabya. Tout le monde se réconcilie et il est affligé. Dans les années 80, dans la BD d’Alan Moore, "Watchmen", le seul moyen pour réconcilier l’humanité était de faire croire à une invasion extraterrestre… Pour devenir copain, on a besoin de se dire qu’il y a quelqu’un de plus méchant qui va nous obliger à nous unir. Quand j’en suis à proposer l’ivresse comme solution, peut-être que ça ne va pas très bien…
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