L'exil et le territoire : le photographe Jean-Michel André sur le chemin des migrants

Borders,  2017 photo # 22
Borders,  2017 photo # 22 - Jean-Michel André - Editions Actes Sud 2021
Borders, 2017 photo # 22 - Jean-Michel André - Editions Actes Sud 2021
Borders, 2017 photo # 22 - Jean-Michel André - Editions Actes Sud 2021
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Sur "Borders", le travail photographique de l'artiste Jean-Michel André - avec des textes de l'écrivain Wilfried N’Sondé - autour des frontières, en France et à l'étranger, élargi avec les années, et questionnant la place du vivant dans la nature aujourd'hui, la notion d'exil et de résistance

Avec

Mardi-Art

Tewfik Hakem s'entretient avec le photographe Jean-Michel André et l'auteur des textes, Wilfried N’Sondé, à propos de l'album photographique, Borders, paru aux éditions Actes Sud. Exploration d'un travail photographique dans plusieurs pays du monde, sur le chemin des exilés et des errants, à la rencontre des paysages et des humains.

" Le point de départ de ce projet se situe dans la jungle de Calais, à la veille de l’évacuation du bidonville en 2016. Jean-Michel André a poursuivi ce travail photographique pendant trois ans, en France, en Italie, en Espagne et en Tunisie. Partout, il a rencontré des réfugiés qui cherchaient un abri. Des femmes, des enfants  et des hommes réunis dans l’espoir de réaliser la dernière traversée.  Ce projet nous invite à un cheminement, celui de l’exil, de l’errance  mais aussi de l’espérance et de la résistance " (présentation de Borders.)

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Borders, 2017 # 21
Borders, 2017 # 21
- Jean-Michel André @ Editions Actes Sud 2021

Jean-Michel André

Ce projet est né d'une indignation au regard des milliers de migrants morts en Méditerranée, et je n'ai pas voulu aborder ce sujet de façon frontale - ce n'est pas un reportage - j'ai plutôt conçu ce travail comme un recueil photographique, composé de fragments de paysages, de portraits et de textes. Et des paysages, il y en a beaucoup forcément dans ce projet, car les frontières terrestres sont avant tout géographiques.

" Ces paysages sont à la lisière du réel et de l'imaginaire "

Ce sont des paysages traversés, où il y a quelque chose d'intemporel, ce sont des espaces incertains, peu importe le lieu, car il y a une dimension universelle dans ce travail.

" Borders ", 2019, #41
" Borders ", 2019, #41
- Jean-Michel André @ Editions Actes Sud

Il y a un traitement différent pour les portraits qu'on retrouve dans des livrets cousus à l'intérieur, dans un format plus petit, un papier plus fin. Ces hommes que j'ai rencontrés sont à l'abri du regard, et quand on tourne la première page du livre pour les découvrir, c'est parce que j'ai fait en sorte de respecter leur anonymat et la pudeur qui était la leur. Ce sont des gens que j'ai rencontrés en France et à l'étranger, j'ai passé du temps avec eux, notamment à Tourcoing où j'habite, avec le Centre d'accueil de demandeurs d'asile de Tourcoing, où j'ai créé un atelier photographique. Et c'est comme ça que j'ai pu rencontrer de nombreuses familles à qui j'ai montré mon projet photographique pour demander qui voulait y participer. Certaines personnes ont accepté.

" Borders ", 2018 # 28
" Borders ", 2018 # 28
- Jean-Michel André @ Actes Sud 2021

J'ai réalisé mes premières prises de vues à Calais, dans la jungle où j'ai commencé ce travail, ensuite, j'ai tourné mon regard ailleurs, sur d'autres territoires, en France, en Espagne, en Italie, sur l'île de Lampedusa et en Tunisie. 

Borders, 2019 #41
Borders, 2019 #41
- Jean-Michel André @ Actes Sud 2021

Wilfried N’Sondé

J'ai été très vite séduit par cette démarche photographique, ce sont des thèmes qui me sont chers, dont celui des frontières. A chaque fois que je recevais des photos de cette série, " Borders ", j'entendais ces photos. Elles me parlaient, j'entendais leurs voix. Je pense par exemple à cette photo du désert, où on voit simplement une carcasse de voiture, j'entendais les pas et les pensées de femmes et d'hommes qui passaient par ce désert. Et c'est une voix qui me rappelait le blues, quelque chose de poétique et d'esthétique, mais aussi de triste. J'aime beaucoup ce projet, pour sa poésie qui n'occulte en rien le drame.

La terre à mon sens est toujours habitable, c'est peut-être le propre de l'être humain d'avoir ce courage de braver tous les espaces, de s'y installer, y prospérer, mais nous vivons des époques où tous ces espaces sont morcelés - nous interrogeons cela dans ce livre - ces beaux espaces désertiques peuvent aussi être des lieux de drames, voilà pourquoi ce parti pris de non identification particulière des lieux, des visages, des voix, est comme une invitation à considérer cela avec un autre regard.

Programmation musicale

Etienne Daho, Jungle pulse, 1995

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