Pierre Christin : "Quand j’ai démarré dans les années 65, les scénaristes de BD se comptaient sur les doigts de la main"

Pierre Christin en 2017
Pierre Christin en 2017 ©AFP - JOEL SAGET
Pierre Christin en 2017 ©AFP - JOEL SAGET
Pierre Christin en 2017 ©AFP - JOEL SAGET
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Entretien dans l’atelier du scénariste de BD Pierre Christin qui évoque dans "Est-Ouest" le récit de sa vie et de ses voyages à l’époque où le monde était séparé en deux blocs. Il raconte la violence de l’antinomie entre est et ouest mais aussi l’aventure des rencontres avec Mézières, Moebius...

Avec

Vendredi BD

avec Pierre Christin, écrivain et scénariste de BD, pour Est-Ouest aux éditions Dupuis.

'Est-ouest' n'est pas une autobiographie mais je me demandais si on pouvait raconter des choses vues, en n’étant pas dessinateur soi-même et en faisant appel à une tierce personne. Il fallait que ça soit un dessinateur proche de moi et Philippe Aymond est comme un fils spirituel pour moi. Un peu comme les frères Dardenne qui filment avec la caméra juste à côté du personnage, voyant ce qu’il voit, je voulais expérimenter.

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"Est-Ouest"
"Est-Ouest"
- Dupuis

Je raconte ces années où je me suis fabriqué tant bien que mal, où l’antinomie entre l’est et l’ouest était violente et où en France c’était très tranché : ou bien on était pro-américain ou bien on était communiste, ou CGT, et on partait en voyage dans les pays de l’est où on vous filait de la vodka, il y avait des nanas en costumes folkloriques… Ça m’agaçait car dans les deux cas les gens parlaient de choses qu’ils connaissaient fort peu alors que moi je commençais à piger comment ça fonctionnait.

"Est-Ouest"
"Est-Ouest"
- Dupuis

Je vivais dans un rêve de western car à l’époque le genre était vivant même s'il était  déjà crépusculaire, avec Peckinpah... Ce n’était plus la conquête de l’Ouest triomphante, c’était un monde violent. J’ai retrouvé cette atmosphère du western avec ce qu’elle a de magique mais aussi fondamentalement très violente avec la peine de mort et la pression morale des mormons et des autres… Ce qui fait que j’ai toujours eu une attitude ambiguë face aux Etats-Unis : à la fois ça m’a nourri parce que la littérature de l’époque était prodigieuse, ainsi que la musique avec l’apogée du jazz, le début du rock… Et puis il y avait tout ce côté lourd, moralisateur… J’y ai beaucoup vécu, y suis souvent retourné mais je n’aurais jamais pu être un expatrié aux Etats Unis, trop de choses me heurtaient dans ce pays.

"Est-Ouest"
"Est-Ouest"
- Dupuis
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