

Entretien avec Sophie Makariou, présidente du musée Guimet et commissaire de l’exposition "Nara, trois trésors du bouddhisme japonais", présentée jusqu'au 18 mars 2019.
- Sophie Makariou Présidente du musée national des arts asiatiques - Guimet. Conservateur général du Patrimoine
Mardi - expo
Tewfik Hakem s'entretient avec Sophie Makariou, commissaire de l’exposition "Nara, trois trésors du bouddhisme japonais" présentée au musée Guimet et organisée dans le cadre de la saison "Japonismes". Cette exposition nous donne l'occasion de découvrir trois sculptures médiévales d'une grande beauté. Considérées au Japon comme des trésors nationaux, elles font un voyage hors de leur temple pour la première fois.
Nara était une capitale du Japon pendant la période médiévale. Les trois pièces de l'exposition sont datées entre le IXème siècle pour la plus ancienne d'entre elles, qui est un Jizô - un bouddha debout - et puis deux extraordinaires sculptures de gardiens qui datent de l'extrême fin du XIIème, tout début du XIIIème siècle.
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Le Jizô est encadré par deux statues tout à fait saisissantes. Elles ont des expressions à la fois de dynamisme, mais aussi presque d'une forme de violence, de fureur, qui sont assez incroyablement rendues par plusieurs choses : tout d'abord par leur déploiement dans l'espace, par leur regard absolument effrayant - ces gardiens ont des yeux traités avec des incrustations de verre - et par le traitement de l’anatomie extrêmement emphatique, par les vêtements qui sont agités par des vents violents qui semblent à la fois suivre l'anatomie mais aussi, d'une certaine façon, exprimer le déchaînement intérieur de chacun de ces personnages.

Ce fut un long processus de discussion, nous avons mis plus de quatre ans à négocier ce prêt, car c'est faire sortir du Japon des pièces tout a fait extraordinaires. Ces pièces ne sont jamais sorties de ce temple de Nara, qui appartenait à une grande famille qui gouvernait l'archipel japonais pendant une bonne partie du Moyen-âge japonais. Ces pièces appartiennent encore à ce temple ; elles sont des œuvres d'art, mais elles sont aussi encore perçues comme étant actives, comme des œuvres qui sont toujours chargées religieusement.
Ces sculptures de gardiens frappent par la puissance de leurs expressions, la puissance du rendu de leurs anatomies. Cela nous amène à constater que toute notre histoire de la sculpture mondiale a besoin d'être revue. On se dit que l'Occident a inventé la description réaliste de l'anatomie, l’étude de l'anatomie, et on se rend compte que bien avant, au Japon, il y en avait déjà une connaissance très pratique. On est frappé de voir combien le réseau des veines et des artères est traité de manière réaliste et en même temps emphatique.
Ces sculptures sont très proches en date de l'Adam et Eve de la Galerie des rois de Notre-Dame de Paris qui sont exposés au Musée de Cluny. Si je peux recommander une balade aux auditeurs, c'est très intéressant de faire un tour au musée Guimet, de voir ce qui se fait au Japon, puis d'aller au musée Cluny et de voir ce qui se faisait en Occident au même moment.

Programmation musicale :
Bubbles will be crapped in glue over Tokyo's harbour - Pryapisme
Tokyo - Tujiko Noriko
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