Yannick Le Marec : "Le tigre arrive en France pour montrer la richesse des terres conquises"

"La nouvelle rotonde des fauves au Jardin des Plantes", Des gens font la queue pour voir des tigres en captivité. Une illustrée du Petit Journal, le 31 mars 1895.
"La nouvelle rotonde des fauves au Jardin des Plantes", Des gens font la queue pour voir des tigres en captivité. Une illustrée du Petit Journal, le 31 mars 1895. ©Getty - Art Media/Print Collector/Getty Images
"La nouvelle rotonde des fauves au Jardin des Plantes", Des gens font la queue pour voir des tigres en captivité. Une illustrée du Petit Journal, le 31 mars 1895. ©Getty - Art Media/Print Collector/Getty Images
"La nouvelle rotonde des fauves au Jardin des Plantes", Des gens font la queue pour voir des tigres en captivité. Une illustrée du Petit Journal, le 31 mars 1895. ©Getty - Art Media/Print Collector/Getty Images
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Qu'il soit peint ou sculpté, le tigre est régulièrement représenté sous un jour féroce ou exotique. Trophée de chasse ou objet de curiosité, notre rapport à l'animal dessine, en creux, l'histoire des conquêtes coloniales.

Avec
  • Yannick Le Marec Universitaire, historien et écrivain

Tewfik Hakem s'entretient avec l'historien, écrivain, Yannick Le Marec à l'occasion de la parution de   Constellation du tigre (Arléa). Divers récits et représentations artistiques rassemblés pour nous renseigner sur notre rapport au tigre. D'abord traqué puis chassé avant d'être exhibé en France, l'animal fut un objet de convoitise et de méfiance. Une histoire que l(auteur met en parallèle avec le récit des conquêtes coloniales.

Le point de départ de ce livre, c'est l’histoire de ce tigre échappé d’un cirque parisien puis abattu, en 2017. Au fond, c'est l'histoire d’un animal qui a vécu libre quelques minutes, le temps de fouler pour la première fois l’herbe fraiche entre les rails du tramway.

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Cette histoire, j’ai eu envie d’en tirer le fil pour comprendre comment le tigre est arrivé jusqu’à nous, tant physiquement que dans nos représentations.

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On aperçoit dès le 19ème siècle des tigres dans des scènes de peinture. Eugène Delacroix a peint plus d’une cinquantaine de tableaux de tigres, ainsi que des dessins et des esquisses.

" Il y aura pendant des siècles une véritable ‘tigromania' chez les peintres "

"Tigre", tableau d'Eugène Delacroix
"Tigre", tableau d'Eugène Delacroix
© Getty - Barney Burstein/Corbis/VCG via Getty Images

Les tigres sont systématiquement représentés en férocité. A tel point qu’en Indochine, en 1861, on considère que c’est un nuisible sur lequel on peut tirer. C’est une conception totalement liée à la colonisation, parce que les autochtones ne les considéraient pas de cette manière, bien au contraire.

"Un trophée de chasse"

Le tigre est arrivé à Paris par la ménagerie du Jardin des plantes, au 19ème siècle, juste après les conquêtes coloniales. Les français venaient de s’installer en Indochine. En ramenant des tigres en France, ils pouvaient montrer aux Parisiens que les terres conquises étaient passionnantes et riches.

Ces tigres meurent très rapidement une fois en France, parfois en quelques jours.

Image fantaisiste d'animaux de cirque dans une cage au Jardin d'Acclimatation de Paris (1895)
Image fantaisiste d'animaux de cirque dans une cage au Jardin d'Acclimatation de Paris (1895)
© Getty - Chris Hellier/Corbis via Getty Images

" Nous sommes incapables de vivres en bons diplomates avec les animaux "

On ne comprend que depuis quelques décennies la manière dont la sensibilité des animaux s’inscrit dans leurs comportements. Cette sensibilité là montre quels réflexes ils adoptent face à l’homme, et cela nous en dit beaucoup sur cette grande destruction de l’animalité. 

Il y a une prise de conscience militante du refus de la souffrance, de l’enfermement ou de la chasse… Mais également une prise de conscience intellectuelle et scientifique qui nous aide à changer le regard de l’opinion sur le vivant qui nous entoure.

"Tigresse et ses petits"', Jean-Léon Gérôme (1895). Gérôme attribuait le succès de ses peintures d'animaux à ses années d'études à la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris.
"Tigresse et ses petits"', Jean-Léon Gérôme (1895). Gérôme attribuait le succès de ses peintures d'animaux à ses années d'études à la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris.
© Getty - Sepia Times/Universal Images Group via Getty Images

Références musicales et sonores :

April Stevens, Teach me tiger (1959) 

« Un tigre échappé d'un cirque abattu en plein Paris », reportage diffusé dans l’édition nationale du 19/20 de France 3, le 25/11/2017