Frédéric Boyer et Yannick Heanel : fascination

Yannick Haenel et Frédéric Boyer
Yannick Haenel et Frédéric Boyer - Christophe Ono Dit Biot
Yannick Haenel et Frédéric Boyer - Christophe Ono Dit Biot
Yannick Haenel et Frédéric Boyer - Christophe Ono Dit Biot
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Cette semaine on parle du goût du détail. Du regard, aussi, de l’écrivain, sur ce qui l’enchante, le dépasse. De la nécessité, aussi, d’entrer dans l’intimité d’une création qui n’est pas de lui, mais qui lui parle, texte, image. Cette semaine, nous parlons de la fascination.

Avec

Nos invités sont deux grands fascinés. Par Virgile, pour Frédéric Boyer, qui publie une nouvelle traduction, chez Gallimard, d’un texte iconique de l’Antiquité, « Les Géorgiques » de Virgile, sous le titre « Le Souci de la terre ». Face à lui, Yannick Haenel, fasciné, lui, par le peintre Caravage, et qui publie, chez Fayard, « La Solitude Caravage », un texte sur sa découverte, assez romanesque, hautement sensuelle, de la peinture du génie, à la bibliothèque du Prytanée de La Flèche, alors qu’il était adolescent. Ce fut comme une apparition…

"Quelle civilisation peut tenir si de génération en génération on ne reprend pas un regard, on ne redonne pas un sens aux œuvres anciennes ? (...) Les grandes civilisations sont celles qui ont beaucoup traduit. Traduire c'est se remettre devant un texte ancien et le refaire travailler."  Frédéric Boyer   

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"Pour arriver à dire les tableaux, on ne peut pas seulement les décrire, il faut se mettre à leur disposition avec une écriture car l'écriture ça écoute le monde, c'est prégnant comme une belle éponge."  Yannick Haenel

Cette semaine dans Le temps des écrivains, on parle du goût du détail. Du regard, aussi, de l’écrivain, sur ce qui l’enchante, le dépasse. De la nécessité, aussi, d’entrer dans l’intimité d’une création qui n’est pas de lui, mais qui lui parle, texte, image. Cette semaine, nous parlons de la fascination. 

Yannick Haenel a fondé la revue "Ligne de risque", il a obtenu le Prix Décembre pour « Cercle », le prix interallié  pour « Jan Karski », le prix Médicis pour « Tiens ferme ta couronne » sur un homme qui s’intéressait aussi à l’œuvre d’un autre, à Herman Melville, plus précisément, sur la vie duquel il avait écrit un scénario tant il aurait voulu qu’elle devienne un film, cette vie. Mais voilà, personne n’en voulait... 

Une perle à l'oreille

Dans ce nouveau texte, ce n’est pas entre le cinéma et la littérature qu’il se promène mais entre la littérature et la peinture. Une femme apparaît, la Judith de Judith et Holopherne, dans un beau livre sur la peinture italienne qu’il feuillette adolescent, et interne, dans une école militaire. Beauté de cette femme dont l’environnement immédiat, et même l’activité - couper une tête – lui échappe. La faute au cadrage, mais qui n’empêche pas la fascination, pour certains détails aussi, les sourcils froncés, et la perle qui orne une oreille.

D’un côté, le récit apocalyptique, au sens étymologique de « révélation », entre le récit de ce que le tableau lui révèle, sur lui-même, un désir, une vision du monde. De l’autre, une promenade biographique dans l’art et dans la vie chaotique de cet homme, ce peintre, le Caravage, qui lui a offert ses premiers vrais émois, aussi esthétiques qu’érotiques. La « solitude Caravage », dit le titre choisi par Yannick Haenel : solitude du Caravage, c’est à dire solitude de l’artiste, ou solitude à cause du Caravage, solitude qu’il imposerait à tout être qui regarde son œuvre, puisque, au fond, quand il le découvre enfin, à Rome, ce tableau, cette Judith, au palais Barberini, la femme réelle qui l’accompagne, et qui ressemble à la Judith du tableau, quitte immédiatement le palais qui abrite la toile, et le laisse, lui, spectateur, et seul ?

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Shakespeare, Kamasutra, et "souci de la terre"

Avec lui, Frédéric Boyer, que nous avons déjà eu le plaisir d’accueillir pour sa nouvelle traduction des « Confessions » de Saint Augustin qu’il rebaptisait, « Les Aveux ».

Frédéric Boyer est en effet traducteur, romancier, essayiste, auteur de livres parus pour la plupart chez POL, maison d’édition qu’il dirige désormais depuis la mort de son ami Paul Otchakovsky-Laurens. Parmi ces livres, il y a « Des choses idiotes et douces », un roman publié en 1993 qui a obtenu le Prix du Livre Inter, « Rappeler Roland », adaptation de "La Chanson de Roland", ou une nouvelle traduction de la Bible, projet auquel il avait convié des spécialistes des textes et des langues bibliques, mais aussi des écrivains dont Olivier Cadiot, Jean Echenoz, Jacques Roubaud ou Valère Novarina.

Frédéric Boyer a aussi enseigné la littérature comparée à l'Université de Lyon III, à Paris VII, mais aussi à la prison de la Santé. Depuis plusieurs années, il se partage donc entre l'écriture personnelle et la relecture et la traduction de grands textes anciens. Du « Kamasutra » au « Richard II » de Shakespeare (P.O.L,  2010), montée par Jean-Baptiste Sastre, avec Denis Podalydès, dans la Cour d'honneur du Palais des papes au festival d'Avignon. 

Virgile, pionnier de l'écologie

Aujourd’hui, il s’attelle à un nouveau défi : publier une nouvelle traduction des « Géorgiques » de Virgile, long poème de quelques 2000 vers, écrit entre 37 et 30 avant JC, considéré comme l’un des sommets de la création poétique occidentale. Inspiré par Hésiode, le texte chante l’art et les techniques agricoles, l’élevage, l’apiculture, la culture de la vigne, la beauté du monde et la place de l’homme dans ce monde. Frédéric Boyer a décidé de donner, à ce texte, un autre titre : non plus « Les Géorgiques », mais « Le souci de la terre ». Pourquoi l’avoir rebaptisé ? Pour lui redonner une chance d’être compris par les contemporains, répond Boyer, qui réactive avec brio, et puissance, la portée écologique, avant l’heure, de ce texte hybride, aussi technique que poétique. 

Deux écrivains, deux fascinations.

Un temps des écrivains marqué par la notion de défi, et de confrontation avec l’autre. 

D’un côté, Frédéric Boyer, se repenche sur un texte mythique pour tenter de le faire résonner à nouveau à l’oreille de ses contemporains. 

De l’autre, Yannick Haenel se poste devant l’œuvre d’un peintre écrasant pour essayer d’en dire des choses autrement plus intimes et importantes que les clichés qu’on entend sur lui.

Deux écrivains, deux œuvres, deux fascinations. 

Choix musical de Frédéric Boyer 

Orphée et Eurydice , l’acte III , «  J’ai perdu mon Eurydice »  Monteverdi     J.E Gardiner et A.S von Otter

Choix musical de Gérard Manset

Gérard Manset   Entrez dans le rêve.