On se confine avec Erri de Luca : interview volcanique

Erri  de Luca
Erri  de Luca - Christophe Ono Dit Biot
Erri de Luca - Christophe Ono Dit Biot
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"J’agis en haut parleur de moi-même et de certaines causes publiques, de certaines parties lésées qui ne sont pas écoutées » Erri de Luca.

Avec
  • Erri De Luca Romancier, poète, dramaturge et traducteur italien.

Cette semaine dans Le Temps des écrivains, nouveau confinement littéraire, et on ne peut plus poétique – et ça repose, et ça fait voir un peu l’horizon. Avec un nouveau compagnon d’exception : Erri de Luca, l’un des plus grands écrivains italiens contemporains, né près du Vésuve, et dont la maison, qu’il a construite de ses mains, est bâtie en pierre volcanique, comme il nous le dit ici, ce qui lui permet de « continuer à habiter des feux éteints ». 

C’est d’ailleurs dans une maison que commence « Le Tour de l’oie », le petit livre d’une grande beauté et d’une grande profondeur pour lequel nous l’avions reçu en février 2019. Une maison habitée par un homme seul, et plongée dans l’obscurité un soir d’orage. Une maison où surgit alors, devant cet homme, un écrivain arrivé à l’âge où on fait le bilan de son existence, le fils qu’il n’a pas eu. 

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Un nouveau Gepetto?

« Qu'est-ce que je suis censé faire de ton souvenir ? », lui dit-il. « Tu es en train de rédiger ton testament ? » Comme Gepetto, cet autre père sans fils, s’inventait un Pinocchio, l’écrivain narrateur se met à lui parler. Et à raconter une vie qui ressemble fort à celle d’Erri de Luca : enfance à Naples, guerre de Bosnie, usine, engagement révolutionnaire dans l’organisation d’extrême gauche Lotta Continua, alpinisme, dans lequel l’écrivain trouve bien des leçons de vie, et d’écriture aussi. Et Comme Pinocchio inventé par Gepetto, le fils lui donne la réplique, l’interrogeant dans un dialogue de plus en plus direct, de plus en plus intense, de plus en plus profond sur le « jeu de l’oie » qu’a été la vie de cet homme qui a toujours eu besoin de se raconter des histoires. 

Escalade dans les Andes

« Te lire c’est comme feuilleter un almanach », dit le fils, ajoutant « tu ne t’en tireras pas comme ça. » Dans cette nuit éclairée à la bougie, dans cette maison aux murs de lave, de nombreuses vérités vont être énoncées, dans la langue magique de De Luca, dont les phrases semblent jetées dans un souffle, courtes et denses, aériennes et concrètes en même temps. Et dont nous ressentons toute la force de vie, aussi, dans cette conversation avec lui. 

Ce jour-là, Erri de Luca revenait d’un voyage dans les Andes où il avait escaladé, à 68 ans passés, pas moins de six volcans . Le visage était émacié, l’œil bleu était intense, et il fut question de tout ce dont parle son beau livre : pourquoi un écrivain écrit ? Pourquoi s’engage t-il dans la voie révolutionnaire ? Quel est le rapport entre l’écriture et l’alpinisme ? Pourquoi pense t-il à Virgile et au plancton quand il regarde les migrants, et s’engage t-il aux côtés de ceux qui les aident ? Quelle est la belle histoire du mot « sabotage » ? Pourquoi lire chaque matin la Bible quand on ne croit pas en Dieu ? Pourquoi dit-il que « Borges seul est obligatoire » ? Et qu’est ce que ça fait, pour un écrivain, d’être né près du Vésuve, et d’être marqué par les mots de Marina Tsvetaïeva : « Ce n’est que dans l’enthousiasme que l’être humain voit exactement le monde. » 

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Quelques petites choses à savoir sur Erri de Luca.

Il est né en 1950 à Naples. Ecrivain, traducteur, poète, il est l’auteur de nombreux romans dont « Montedidio », qui a obtenu en 2002 le prix Femina étranger et le Prix européen de littérature. Alpiniste émérite, il est aussi marqué par la lutte politique. Né dans une famille bourgeoise napolitaine ruinée par la guerre, il s’est en effet déclaré communiste dès l’âge de 16ans et, après avoir quitté le domicile familial, a adhéré en 1969 au mouvement d'extrême gauche Lotta Continua dont il est devenu l'un des dirigeants, responsable notamment de son service d'ordre. Si Lotta continua a été dissoute à l’été 77, cela n’a pas entamé son besoin de se mobiliser et de désobéir, comme il l’a fait en s’engageant aux côtés de ceux qui aident les migrants, ou contre la ligne de train à grande vitesse Lyon-Turin, qui lui a valu un procès pour incitation au sabotage dont il a été relaxé en octobre 2015. Dans « J'accepte volontiers une condamnation pénale, mais pas une réduction de vocabulaire », publié en 2015, De Luca disait que l'écrivain, s'il a un pouvoir, a celui de parler pour ceux qui ne sont pas entendus. Il le redit dans « Le tour de l’oie » : « J’agis en haut parleur de moi-même et de certaines causes publiques, de certaines parties lésées qui ne sont pas écoutées ». 

Choix musicaux d'Erri de Luca:

"Questa Pianura", par Gianmaria Testa

"Famous blue raincoat", par Leonard Cohen

Rediffusion de l'émission du 16 février 2019

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