Comment déterminer la fin d'une pandémie ?

La pandémie est-elle en train de prendre fin ?
La pandémie est-elle en train de prendre fin ? ©Getty - Dmitry Marchenko / EyeEm
La pandémie est-elle en train de prendre fin ? ©Getty - Dmitry Marchenko / EyeEm
La pandémie est-elle en train de prendre fin ? ©Getty - Dmitry Marchenko / EyeEm
Publicité

Mi-mars, il est probable que le port du masque dans les lieux publics ne soit plus obligatoire. Pour autant, amélioration de la situation ne signifie pas fin de pandémie. Continuera-t-on longtemps à parler de “vagues” ? La circulation du virus peut-elle devenir prévisible ?

Avec
  • Patrick Zylberman Professeur émérite d’histoire de la santé à l’Ecole des hautes études en santé publique
  • Mircea Sofonea maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’Université de Montpellier.
  • Bruno Lina Virologue au Centre international de recherche en infectiologie de Lyon, membre du COVARS

La semaine dernière, les déclarations mesurées à la fois du président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, et du ministre de la santé, Olivier Véran, ont provoqué un certain optimisme chez celles et ceux qui espèrent la fin de la pandémie que nous connaissons depuis deux ans. 

Pourtant, le nombre de morts quotidiens est toujours élevé (trois mille en dix jours la semaine dernière) et le taux d’incidence est encore à 947 : rien ne permet donc d’affirmer que le virus a stoppé sa course surtout quand, à Hong Kong, le nombre de cas est au plus haut. 

Publicité

Le virus mutera encore mais sera-t-il, pour autant, plus contaminant que le variant Omicron ? Passera-t-on progressivement d’une pandémie à une endémie ? 

Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Bruno Lina, virologue au CHU de Lyon, chercheur au  Centre international de recherche en infectiologie (CIRI), membre du Conseil scientifique, Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l'Université de Montpellier et Patrick Zylberman, professeur émérite d'histoire de la santé à l'École des hautes études en santé publique (EHESP). 

Bruno Lina insiste sur l'incapacité actuelle à connaître l'évolution du virus et de ses cycles, et donc sur la nécessité d'apprendre à vivre avec : "L'immunisation n’est pas parfaite mais elle permet d’éviter ce qui nous a handicapé pendant la gestion de la pandémie, c'est-à-dire les formes graves et le recours à l'admission à l’hôpital et à la réanimation. Le système était sous une pression extrême, notamment pendant la première vague. Maintenant qu’on voit l’évolution de la clinique de la pathologie, il va falloir qu’on retourne à une vie normale. Il faut apprendre à vivre avec le virus, en changeant un certain nombre de nos comportements. La vie d’avant n’existe plus, mais la vie d’après n’est pas détestable."

Mircea Sofonea souligne l'intérêt de trouver un curseur pour vivre avec le virus, et d'utiliser de nouveaux indicateurs pour mesurer les risques qu'il présente : "On a un début de connaissance par l’expérience que nous avons des grippes pandémiques. Maintenant, il faut estimer le plus possible l’effet de pression de sélection que peuvent présenter les vaccins et les moyens non-pharmaceutiques. (...) La question est de savoir si on accepte qu’une maladie infectieuse qui est en partie évitable prenne une place plus importante que n’ont pris avant les autres maladies infectieuses, ou bien si on essaye de la diminuer pour essayer de retrouver des niveaux de mortalité précédents. Il y a un curseur dont il faut convenir collectivement. (...) Il faut quantifier l’impact sanitaire du SARS-CoV-2, non pas uniquement sur le nombre de décès mais sur d'autres indicateurs."

Patrick Zylberman met en lumière le manque de connaissance scientifique concernant le virus, qui empêche de prévoir la date de fin de pandémie : "Cette pandémie a commencé avec le premier cas, mais elle ne se terminera pas avec le dernier cas, parce que ce virus va rester avec nous, mais à un moment donné on va rentrer dans un temps différent. À ce moment-là, on pourra dire que le temps de la pandémie stricto sensu est terminé, mais ça ne signifiera pas la fin de circulation du virus. (...) Il est probable que le virus reste, ou qu’il revienne. On ne sait pas, on n’a pas suffisamment de connaissances sur ce virus. (...) On ne peut pas dater la fin d’une pandémie et le début d’une endémie. Partout dans le monde, les démarches sont les mêmes mais pas selon le même calendrier. (...) Ça ne risque pas de cesser. Un des leviers sur lesquels il faut agir, ce sont les faiblesses de la connaissance scientifique en France. Mais qui veut agir?"

Bibliographie :

  • Patrick Zylberman,Oublier Wuhan : Essais sur l'histoire contemporaine des crises sanitaires, La fabrique éditions, 2021
  • Patrick Zylberman, La Guerre des vaccins, Odile Jacob, 2020
  • Patrick Zylberman, Tempêtes microbiennes : Essai sur la politique de sécurité sanitaire dans le monde transatlantique, NRF Essais, Gallimard, 2013

L'équipe