Comment mieux aider les victimes d'attentats ?

Près des lieux visés par les terroristes le 13/11/2015, des plaques commémoratives ont été installées. Ici, entre le bar Le Carillon et le restaurant Le Petit Cambodge (Paris, le 13/11/18)
Près des lieux visés par les terroristes le 13/11/2015, des plaques commémoratives ont été installées. Ici, entre le bar Le Carillon et le restaurant Le Petit Cambodge (Paris, le 13/11/18) ©AFP - BENOIT TESSIER
Près des lieux visés par les terroristes le 13/11/2015, des plaques commémoratives ont été installées. Ici, entre le bar Le Carillon et le restaurant Le Petit Cambodge (Paris, le 13/11/18) ©AFP - BENOIT TESSIER
Près des lieux visés par les terroristes le 13/11/2015, des plaques commémoratives ont été installées. Ici, entre le bar Le Carillon et le restaurant Le Petit Cambodge (Paris, le 13/11/18) ©AFP - BENOIT TESSIER
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Quatre ans après les attentats du Bataclan, du Stade de France et de plusieurs terrasses du 11ème arrondissement, où en est l'aide aux victimes ? Comment les accompagner sur le long terme ? Les cérémonies et hommages permettent-ils l'apaisement, ou contribuent-ils à ré-ouvrir les traumas ?

Avec
  • Elisabeth Pelsez Déléguée interministérielle à l’aide aux victimes
  • Richard Rechtman Anthropologue et psychiatre, directeur d’études à l’EHESS
  • Arthur Dénouveaux Essayiste. Président de l'association Life for Paris.
  • Catherine Bertrand graphiste et dessinatrice

Pour aller plus loin :

Sur les aides et les commémorations :

Des limites et des écueils à ces aides ?

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Sur le stress post-traumatique

Sur nos invités :

Elisabeth Pelsez, Déléguée interministérielle à l'aide aux victimes

Depuis trente ans, la place de la victime a nettement évoluée. On est parti dans les années 1982-83, avec Robert Badinter, de l’idée qu’il fallait accorder une place spécifique aux victimes.  Puis progressivement, sur le plan législatif et sur le plan de l’organisation, la place de la victime est devenue de plus en plus importante. 

[A propos d’un témoignage] J’ai mis deux ans avant d’accepter le statut de victime et d’entamer des démarches. 

Cette temporalité doit se conjuguer avec le fait de ne pas être trop intrusif (quand on rappelle les victimes de manière régulière) et en même temps, si l’on ne le fait pas, il peut y avoir cette sensation d’oubli.

Richard Rechtman, Directeur d'études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), il est à la fois psychiatre et anthropologue. Il a publié L’empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime (Flammarion, 2007). Son prochain livre, La vie ordinaire des génocidaires, sortira le 2 janvier 2020.

Un attentat vient briser un cours supposé, naturel et ordinaire, et qui n’était pas prévu de s’arrêter de la sorte, soit par une blessure, soit par un décès. Cette rupture va avoir deux effets principaux. Des effets individuels : l’illusion qu’il ne va rien arrivé, dans laquelle on se trouve, tombe et c’est très compliqué quand on perd ce sentiment que l’univers autour de soi n’est pas forcément hostile. L’attentat introduit immédiatement cette disparition de ce qui est l’évidence habituelle qu’il ne va rien se passer. Sur le plan collectif, c’est une rupture du consensus social.

Dans une société démocratique comme la nôtre, le destin de chacun fait partie du destin collectif. Comment gère-t-on un moment où certaines individualités sont touchées plus que d’autres ? 

La société nous prépare à enterre nos proches, mais ne nous prépare pas du tout à enterrer une partie de nous même. Etre victime, c'est ça, c'est cette rupture.

C'est être victime deux fois que de devoir à la fois s'accepter comme victime et devoir faire en sorte que la société reconnaisse que le lieu dans lequel vous étiez fait bien parti de l'attentat qui s'est produit. 

Arthur Dénouveaux, Entrepreneur et essayiste français, président de Life for Paris, coauteur (avec Antoine Garapon) de Victimes, et après ? (Tracts Gallimard, 7 novembre 2019).

Je ne crois pas que les gens soient visés simplement parce qu’ils étaient là dans les attentats récents. Ils sont visés parce qu’ils étaient là, et que c’est un « là » que les terroristes ont choisi de viser. Ils ont malheureusement cette intelligence de viser quelque chose à laquelle les gens se raccrochent et pensent ressembler.

C’est l’inverse du sacrifice tel qu’on l’entend. Dans l’Antiquité, on sacrifiait pour apaiser les dieux. Là, on sacrifie pour embraser toute une société. Je ne crois pas que le terrorisme essaie de déclencher une guerre civile, mais une « guerre de la civilité », c’est-à-dire rompre tout lien entre les individus, isoler au maximum et rendre la société complètement inexistante   

Catherine Bertrand, rescapée du Bataclan et auteure-illustratrice de Chroniques d'une survivante.

Il y a des choses qui sont mises en place dès le début. Le problème, c’est l’après. On croit que c’est fini, mais en fait, ce n’est que le début. On se bat parce que l’on comprend qu’il faut un psychiatre, mais aucun n’est disponible etc

J'étais dans le déni. Pour moi, le déni c'est une façon de se protéger. Cette phase de déni, cette temporalité est vraiment personnelle et dépend des gens 

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